Le Premier ministre kosovar Albin Kurti et le président serbe Aleksandar Vucic se sont retrouvés pour 12 heures de négociations sur les rivages du lac Ohrid, en Macédoine du Nord, sous la houlette du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les Occidentaux multiplient ces derniers mois les pressions sur Belgrade et Pristina afin de prévenir une éventuelle flambée de tensions dans la région fragile des Balkans alors que la guerre fait rage en Ukraine envahie par la Russie il y a plus d'un an.
Un plan de paix européen
La rencontre d'Ohrid a eu lieu après l'échec le mois dernier de pourparlers à Bruxelles, où un plan de paix européen en 11 articles a été dévoilé plus de deux décennies après une guerre meurtrière entre rebelles indépendantistes kosovars et forces serbes.
Bruxelles souhaitait l'accord des deux parties sur une annexe de mise en application de cette proposition européenne visant à normaliser les relations entre la Serbie et son ancienne province.
Les parties n'ont pas pu trouver une solution mutuellement acceptable aussi ambitieuse que celle que nous proposions
Josep Borrell s'est félicité devant la presse que les deux camps aient accepté l'annexe en question, mais il a reconnu que Belgrade et Pristina étaient allés moins loin qu'espéré.
"Les parties n'ont pas pu trouver une solution mutuellement acceptable aussi ambitieuse que celle que nous proposions", a-t-il dit à la presse sans prendre de questions.
"Un jour OK"
La Serbie refuse de reconnaître l'indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province, dont la population de 1,8 million d'habitants, très majoritairement d'origine albanaise, compte une communauté serbe d'environ 120'000 personnes. Depuis la guerre, qui prit fin en 1999 avec des bombardements de l'Otan, les relations entre Pristina et Belgrade vont de crise en crise.
A Ohrid, les deux dirigeants ont reconnu que des progrès avaient été réalisés mais ne se sont pas privés d'envoyer des piques l'un à l'autre. Le Premier ministre kosovar a déclaré qu'il était prêt à parapher le texte mais a imputé à la partie serbe la responsabilité de l'absence de signature.
"L'autre camp, exactement comme lors de la dernière réunion à Bruxelles le 27 février, évite de signer l'accord, et maintenant l'annexe", a déclaré Albin Kurti aux journalistes. "C'est maintenant à l'Union européenne de trouver un mécanisme pour que cet accord soit légalement et internationalement contraignant", a ajouté le Kosovar.
Le président serbe a également fait la moue sur les résultats de la rencontre. "Je crois que nous avons fait un pas important dans une atmosphère constructive et nous allons commencer à travailler sur des choses. Bien sûr, ce n'était pas une sorte de jour J, c'était un jour OK".
Question obsessionnelle
La proposition européenne stipule que les deux camps ne feront pas usage de violence pour résoudre leurs différends. Le projet déboucherait sur une reconnaissance de facto entre Belgrade et Pristina, car il prévoit que les deux parties "reconnaîtront mutuellement leurs documents et symboles nationaux respectifs".
Le texte déclare également que "la Serbie ne s'opposera pas à l'adhésion du Kosovo à une organisation internationale", une demande clé de Pristina. Il propose parallèlement d'accorder "un niveau approprié d'autogestion" pour la minorité serbe du Kosovo.
La question du Kosovo reste obsessionnelle pour une partie des 6,7 millions de Serbes, qui considèrent le territoire comme leur berceau national et religieux, là où des batailles cruciales ont été livrées au cours des siècles. A Belgrade, des milliers de personnes ont manifesté vendredi à l'appel de partis nationalistes pour refuser un accord qui reviendrait selon elles à une "capitulation".
Au Kosovo, beaucoup de membres de la minorité serbe refusent toute loyauté à Pristina, avec les encouragements de Belgrade. Surtout dans le nord du territoire, près de la frontière avec la Serbie, théâtre de heurts fréquents, de manifestations et parfois de violences.
ats/vajo