Emmanuel Macron souhaite l'entrée en vigueur de la réforme des retraites d'ici la fin de l'année
"Cette réforme, elle est nécessaire, ça ne me fait pas plaisir, j'aurais voulu ne pas la faire, mais c'est pour ça aussi que j'ai pris l'engagement de la faire", a déclaré le chef de l'Etat.
Il a souhaité une entrée en vigueur d'ici la fin de l'année "pour que les choses rentrent en place", et notamment que 1,8 million de retraités "commencent à être augmentés d'environ 600 euros par an en moyenne" et qu'"on commence à décaler l'âge légal de trois mois supplémentaires".
"Le projet des opposants, c'est le déficit"
Le président de la République, qui fait face à une contestation politique et syndicale toujours plus soutenue depuis l'adoption de la réforme au moyen de l'article 49.3 de la Constitution française, a par ailleurs considéré que "le projet de toutes les oppositions et de tous ceux qui s'opposent" à la réforme, "c'est le déficit", qu'il a comparé à une "formule magique".
"Qu'est-ce que c'est le déficit?", a interrogé Emmanuel Macron. "Ça veut dire, de fait, que vous choisissez de faire payer vos enfants parce que, aujourd'hui, vous refusez de décider avec clarté et courage", a-t-il poursuivi.
>> Relire : La réforme des retraites définitivement adoptée en France après le rejet des motions de censure
"N'accepter ni les factieux, ni les factions"
Alors que de nouveaux rassemblements ont été organisés mardi soir contre la réforme dans plusieurs grandes villes françaises, théâtre pour certaines d'entre elles, dont Paris, de tensions entre forces de l'ordre et manifestants, "on ne peut accepter ni les factieux, ni les factions", a fait valoir le chef de l'Etat.
"Quand les Etats-Unis d'Amérique ont vécu ce qu'ils ont vécu au Capitole, quand le Brésil a vécu ce qu'il a vécu (...), je vous le dis très nettement", a-t-il appuyé, en dénonçant chez des manifestants des "groupes qui utilisent la violence". "On ne tolérera aucun débordement", a-t-il encore prévenu.
Réaction des syndicats
Très peu de temps après l'interview d'Emmanuel Macron, les leaders syndicaux français ont réagi pour dénoncer "un mépris" ou encore "les mensonges" du président.
Les propos d'Emmanuel Macron lors de son interview mercredi midi sont "du foutage de gueule et du mépris pour les millions de personnes qui manifestent", a réagi le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez.
"C'est lunaire, cet interview. C'est: 'Tout va bien, je fais tout bien, il ne se passe rien dans la rue'. Il n'y a aucune réponse", a dénoncé Philippe Martinez devant des journalistes à Tours, où il assiste au congrès de la CFE-CGC.
Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a quant à lui accusé le président de la République d'avoir menti dans son interview sur TF1 et France 2 sur la position de la CFDT sur les retraites, "pour masquer son incapacité à trouver une majorité pour voter sa réforme injuste".
"Déni et mensonge! La CFDT a un projet de réforme des retraites. Macron 2019 l'avait compris, il avait repris notre ambition d'un système universel. Macron 2023 refait l'histoire et ment pour masquer son incapacité à trouver une majorité pour voter sa réforme injuste", a-t-il réagi sur Twitter.
Un "problème de temporalité"
Selon la journaliste à L'Express Camille Vigogne Le Coat, interrogée mercredi dans l'émission Forum de la RTS, Emmanuel Macron "n'a pas pris la mesure de la colère sociale et de la division du pays".
Elle estime aussi qu'il y a un problème de temporalité. "L'exercice aurait été réussi si ce discours avait été prononcé un autre jour", analyse Camille Vigogne Le Coat. Selon elle, ce "discours de pédagogie" aurait dû intervenir avant le vote ou les débats à l'Assemblée nationale, "car Emmanuel Macron est bon dans ce genre d'exercices, bien meilleur que ces ministres ou sa Première ministre".
agences/ther/vajo
Loi immigration découpée en "plusieurs textes"
Emmanuel Macron a aussi annoncé que le projet de loi immigration serait "découpé" en "textes plus courts" qui seront examinés "dans les prochaines semaines" par le Parlement.
Annoncé depuis des mois, contesté par les associations de défense des exilés, conspué par la gauche et jugé très insuffisant par la droite et l'extrême droite, le texte, qui a entamé son parcours en commission au Sénat la semaine dernière, devait être débattu à partir de mardi dans l'hémicycle de la Haute Assemblée dominée par l'opposition de droite.
Les réactions des oppositions
"La foule est au peuple ce que le cri est à la voix", a déclaré Jean-Luc Mélenchon, en référence à un propos du président sur la "foule" qui n'aurait "pas de légitimité face au peuple qui s'exprime à travers ses élus".
Marine Le Pen, du Rassemblement national, a estimé que le président, "un homme de plus en plus seul", avait "conforté le mépris" des Français.
Le président des Républicains Eric Ciotti a estimé que les solutions proposées par Emmanuel Macron n'étaient "pas à la hauteur de la crise politique et économique que nous vivons".
Pour sa part, Olivier Faure a regretté qu'Emmanuel Macron ait "mis plus d'explosif sur un brasier déjà bien allumé". "C'est hallucinant, il est dans un déni absolu", a-t-il ajouté depuis l'Assemblée nationale.
La cheffe des écologistes Marine Tondelier s'est dite pour sa part sur Twitter "glacée par la démonstration d'autosatisfaction du président" qui, à ses yeux, a tenu des "propos offensants".
Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a vu dans l'intervention du président "rien à même d'apaiser la colère légitime qui s'exprime contre la retraite à 64 ans".
"Nous appelons au changement, au respect du monde du travail et de la démocratie sociale", a ajouté le communiste. "Nous, forces de gauche et écologistes, sommes prêts à gouverner".
Le "cynisme" des grandes entreprises qui rachètent leurs actions
"Il y a quand même un peu un cynisme à l'oeuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions", a déclaré Emmanuel Macron lors de son allocution mercredi.
Il compte "demander au gouvernement de travailler sur une contribution exceptionnelle" pour que "les travailleurs puissent profiter" de cet argent. Outre les dividendes, de plus en plus d'entreprises choisissent de racheter leurs propres actions, une opération destinée à soutenir le cours en Bourse.
Les entreprises françaises du CAC 40 ont dégagé en 2022 plus de 142 milliards d'euros de bénéfices cumulés grâce aux records du luxe et de l'énergie, bénéficiant de l'inflation et de la crise énergétique, augurant une année faste pour les actionnaires.
Emmanuel Macron a toutefois écarté la solution de taxer les superprofits comme "nous l'avons fait sur les énergéticiens".