Une enquête parue dans le quotidien La Croix a décrit récemment cette nouvelle tendance en France. Selon la chercheuse Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam, pendant le ramadan, il ne s’agirait plus seulement "de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle".
Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans en France, dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains et certaines - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.
Spiritualité et développement personnel
Dans le concret des pratiques de ce ramadan "modernisé" chez les jeunes, d'aucuns le voient comme un défi spirituel et se donnent des objectifs, comme de lire en entier le Coran, ou de se déconnecter des réseaux sociaux. Le but étant de ressortir de cette période "purifié" et "plus proche de Dieu".
"On observe un recoupement des notions spirituelles et de développement personnel", commente Sarah Aïter, qui note l’attention à "optimiser son temps" et à "se fixer des objectifs" pendant ce temps très exigeant où il s'agit de concilier les prières, les lectures spirituelles, le manque de sommeil et la gestion de sa vie professionnelle ou étudiante.
Manger plus sainement
Pour d’autres, le jeûne du ramadan est un bon prétexte pour s’orienter vers une alimentation plus saine: on évite donc de manger trop gras, trop sucré ou en trop grande quantité.
Pour rappel, durant le mois de ramadan, on pratique un jeûne diurne, et le soir, une fois le soleil couché, on rompt le jeûne lors d'un repas souvent copieux appelé iftar, où les pâtisseries côtoient les mets goûteux.
Il y a aussi des tendances de consommation qui se confirment à l’année, avec notamment l’essor des produits halal - donc "permis" selon l’islam - qui portent également l’étiquette "éthique" ou "bio", voire les trois à la fois.
Pour les nouvelles générations de musulmans, je n'hérite pas seulement de l'islam, je le rechoisis.
La dimension religieuse, à l'origine de la pratique du jeûne du ramadan, est-elle toujours présente chez les jeunes générations? La chercheuse citée dans l’article de La Croix estime que pour la génération précédente, l’islam ne représentait qu'"un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement".
Aujourd’hui, parmi les jeunes musulmans, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. "Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis", précise Sarah Aïter. "Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques."
Ce phénomène se retrouve par ailleurs également dans d’autres confessions et chez les non-croyants, avec de nouvelles pratiques ascétiques s’inspirant des jeûnes des trois monothéismes.
Sujet radio: Jessica Da Silva
Adaptation web: Katharina Kubicek