La Première ministre Elisabeth Borne a dénoncé, sur Twitter, un "déferlement de violence intolérable", mettant en cause "l'irresponsabilité des discours radicaux qui encouragent ces agissements".
Selon un dernier décompte fourni par le parquet de Niort, les secours ont pris en charge sept manifestants blessés, dont trois traités en urgence absolue et hospitalisés; 28 gendarmes ont été blessés, dont deux hospitalisés en urgence absolue. Deux journalistes ont été touchés.
Les organisateurs évoquent, eux, un bilan beaucoup plus lourd, avec 200 manifestants blessés dont un serait dans le coma entre la vie et la mort, information non confirmée par les autorités.
Au moins 6000 personnes selon la préfecture, jusqu'à 30'000 selon les organisateurs - le collectif d'associations "Bassines non merci", le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne - ont convergé vers la bassine en chantier à Sainte-Soline, dans le but de "stopper" la construction de ce réservoir à ciel ouvert destiné à l'irrigation agicole.
Ils ont trouvé face à eux plus de 3000 gendarmes et policiers mobilisés pour défendre le site par les autorités en raison de la présence dans le cortège "d'au moins un millier d'activistes violents", "prêts à en découdre avec les forces de l'ordre".
Scènes de guerre médiévale
À l'approche du chantier, aux allures de bastion médiéval avec son talus entouré par les forces de l'ordre, de violents affrontements ont éclaté rapidement, transformant l'endroit en scène de guerre, avec de fortes détonations et des véhicules en feu.
Les assaillants ont fait usage "de mortiers d'artifices, de chandelles romaines et de cocktails molotov de forte contenance" parmi d'autres projectiles, selon la gendarmerie qui a riposté en tirant 4000 grenades de gaz lacrymogènes et de désencerclement, et en utilisant des LBD.
Aucune interpellation n'a pu être réalisée durant la manifestation, selon le parquet. Onze personnes avaient été interpellées en amont lors de contrôles qui ont permis la saisie de nombreuses armes.
Violences "criminelles" vs. "policières"
Autorités et organisateurs se renvoient la responsabilité des affrontements. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dénoncé la violence "inexcusable" de "l'extrême gauche", tandis que les organisateurs ont mis en cause une "violence absolument criminelle" des forces de l'ordre.
La secrétaire nationale d'EELV Marine Tondelier, présente dans le cortège dont la majeure partie est restée pacifique, a dénoncé auprès de l'AFP des tirs de grenades vers des personnes blessées et l'intervention de quads, "une sorte de BRAV-M des champs", allusion à une unité de police motorisée controversée.
"Assez de violences policières à #SainteSoline! Assez! Sans les BRAV-M, sans ce cirque, il ne se passerait absolument rien d'autre qu'une marche dans les champs !", a réagi sur Twitter le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Des témoins interrogés par l'AFP et des observateurs de la Ligue des droits de l'Homme ont déploré que la prise en charge d'un blessé grave ait été retardée par les autorités; la préfecture des Deux-Sèvres a répondu que le dispositif prévoyait une escorte des secours par les gendarmes pour assurer leur sécurité. Or, selon Gérald Darmanin, des activistes s'en prenaient alors aux forces de l'ordre, ce qui a perturbé la prise en charge des blessés.
Substitution
Les affrontements ont largement éclipsé le débat de fond sur le partage de l'eau face au changement climatique. La bassine de Sainte-Soline fait partie d'un ensemble de 16 retenues, d'une capacité totale de six millions de mètres cubes, programmées par une coopérative de 450 agriculteurs avec le soutien de l'État.
Il vise à stocker de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de "substitution". Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations face à la menace de sécheresses récurrentes.
Son coût de 70 millions d'euros est financé à 70% par des fonds publics en échange de l'adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires, une vaine promesse selon les opposants qui dénoncent un "accaparement" de l'eau par "l'agro-industrie" et réclament un moratoire sur le projet.
Cette manifestation, "c'est pas les écolos contre les agriculteurs. Il faut une concertation de la société sur ces sujets", a déclaré Vic, 29 ans, technicienne en maraîchage venue manifester pour la première fois depuis la Bretagne.
ats/jfe