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La Serbie, ce bastion pro-russe au cœur de l'Europe

Serbie, bastion pro-russe au cœur de l'Europe
Serbie, bastion pro-russe au cœur de l'Europe / 19h30 / 3 min. / le 25 mars 2023
C'est l'un des rares pays européens à ne pas avoir décrété de sanctions contre le régime de Vladimir Poutine, tout en condamnant l'invasion de l'Ukraine: la Serbie joue l'équilibriste entre l'est et l'ouest. Une large partie de ce pays des Balkans, candidat à l'Union européenne, est pro-russe et se mobilise régulièrement pour la Russie, qu'elle considère comme son grand frère slave.

Dans les kiosques de Belgrade, les souvenirs à l'effigie du tennisman serbe Novak Djokovic ont un rival: Vladimir Poutine. Et selon les vendeurs, celui qui remporte les meilleures ventes est clairement le président russe. "C'est malheureux, mais c'est comme ça. Je vends 10 fois plus de T-shirts Poutine ou avec le 'Z '", déclare Vladan devant son stand près de la forteresse de Belgrade. "Je déteste la guerre."

300 Serbes aux côtés des Russes

En2014, Vlado Stanic a combattu en Crimée avec les séparatistes pro-russes. [RTS - Laurent Burkhalter]
En2014, Vlado Stanic a combattu en Crimée avec les séparatistes pro-russes. [RTS - Laurent Burkhalter]

Ce matin, Vladan reçoit la visite d'un très bon client, Vlado Stanic. "Nous les Serbes et les Russes sommes le même peuple", affirme ce Serbe trentenaire, en achetant un pin's à l'effigie de Vladimir Poutine. "Quiconque nous agressera se cassera les dents. Nous sommes tous pour la Mère Serbie, la Mère Russie et le Tsar Poutine."

En 2014, Vlado est parti faire la guerre, dans l'est de l'Ukraine, aux côté des séparatistes pro-russes. Une violation de la loi serbe qui interdit à ses ressortissants de participer à des conflits à l'étranger.

Après son retour en 2018,  il a été condamné à 1 an de prison. Mais il ne regrette rien. "Mon devoir était de protéger mes frères russes, pour moi c'est un grand honneur. Et je referai la même chose aujourd'hui", lance Vlado, qui appelle ses compatriotes et autres volontaires européens à se battre contre les Ukrainiens.

Comme Vlado, plus de 300 Serbes selon les estimations sont partis se battre aux côtés des Russes et des séparatistes pro-russes. Certains sont toujours dans l'est ukrainien. Vlado et ces mercenaires et autres volontaires serbes incarnent une forme extrême de mentalité pro-russe très courante en Serbie.

Rancoeur envers l'Occident

Les bâtiments du ministère de la Défense serbe, détruits par l’Otan en 1999, n'ont jamais été reconstruits. [RTS - Laurent Burkhalter]
Les bâtiments du ministère de la Défense serbe, détruits par l’Otan en 1999, n'ont jamais été reconstruits. [RTS - Laurent Burkhalter]

Plus de 60% des Serbes imputent la responsabilité de la guerre en l'Ukraine non pas à la Russie, mais à l'Occident. Chaque année, le 24 mars, les foules se rassemblent à Belgrade pour commémorer le début du bombardement de l'Otan sur leur capitale le même jour en 1999. Cette opération avait été menée par l'Alliance atlantique pour mettre fin au nettoyage ethnique serbe au Kosovo. Mais les Serbes ne le voient pas tous de cet œil, et gardent une profonde rancoeur contre l'Occident.

"Les Occidentaux ont commis un acte impardonnable en tuant des enfants, détruisant des ponts et des hôpitaux", objecte une habitante de Belgrade. "Les Russes ne nous ont jamais bombardés, c'est pour cela que nous les soutenons et sommes contre l'Otan", résume un autre manifestant.

En toile de fond à cette manifestation, le ministère de la Défense serbe, détruit par l'Otan et jamais reconstruit depuis, ressemble à une plaie ouverte. A l'humiliation de la défaite infligée par les Occidentaux en 1999 se rajoute une crise qui reste d'actualité: le statut du Kosovo. La Serbie ne veut pas reconnaître l'indépendance de son ancienne province, malgré les pressions occidentales.

Le Kosovo, une brèche pour la Russie

Des négociations sous l'égide de l'Union européenne sont en cours entre Belgrade et Pristina, mais les blocages persistent et l'opposition attend le président Aleksandar Vucic au tournant. "Le président a accepté verbalement de signer un accord contraire à notre Constitution", explique le député serbe francophone Milos Jovanovic. "Céder le Kosovo n'est pas acceptable. Au-delà du fait que cela est anticonstitutionnel, cela met en danger la nation serbe dont l'histoire est liée au Kosovo."

>> Voir l'interview de Milos Jovanovic dans le 19h30 :

Milos Jovanovic
Milos Jovanovic / L'actu en vidéo / 1 min. / le 25 mars 2023

Le Kosovo offre une brèche à Moscou, avertissent les Serbes soucieux de ne pas perdre leurs liens avec l'Occident. "Les Russes sont présents partout ici avec leur propagande", observe l'avocat et activiste pro-démocratie Cedomir Stojkovic,. "Ils ont infiltré notre culture, notre vie politique, nos arts et nos universités. C'est une forme d'occupation hybride. Le danger est grand que la Serbie cesse d'être un pays européen."

A Belgrade, certains graffitis soulignent ce péril. En effet, depuis l'invasion de l'Ukraine il y a un an, les peintures murales représentant l'emblème du groupe de mercenaire russe Wagner ou le "Z" se multiplient. Tenter de les effacer est dangereux.

Les peintures murales pro Poutine se multiplient à Belgrade. [RTS - Laurent Burkhalter]
Les peintures murales pro Poutine se multiplient à Belgrade. [RTS - Laurent Burkhalter]

Ilja Zernov, jeune réfugié russe anti-Poutine et anti-guerre, en a fait la douloureuse expérience. "Quatre hommes m'ont capturé", explique l'ex-étudiant de 19 ans. "L'un d'eux m'a frappé à la tête, tandis qu'un autre m'a menacé avec un couteau. Je ne supporte pas ces graffitis, symboles absolus de cruauté et de mort."

Emprisonné en Russie pour avoir manifesté contre la guerre, agressé en Serbie, Ilia a décidé de poursuivre son chemin et demander l'asile en Allemagne.

>> Voir l'interview de l'avocat pro-démocratie Cedomir Stojkovic :

Cedomir Stojkovic
Cedomir Stojkovic / L'actu en vidéo / 1 min. / le 25 mars 2023

Laurent Burkhalter, Jon Bjorgvinsson, Aleksandar Kovacevic Kuzmanovic et Film Fixers Balkans

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