Les salariés et salariées allemands des aéroports, du rail, du fret maritime, des sociétés d'autoroutes ou des transports locaux étaient appelés à 24 heures d'arrêt de travail jusqu'à lundi minuit.
Cette mobilisation s'inscrit dans un contexte de tensions sociales croissantes en Allemagne, où les grèves pour les salaires se multiplient depuis le début de l'année, des écoles aux hôpitaux, en passant par la Poste.
Près de 3 millions de salariés concernés
Contrairement à des pays comme la France, un tel mouvement unitaire entre les syndicats EVG et Ver.di, représentant respectivement 230'000 salariés des sociétés ferroviaires et 2,5 millions d'employés des services, est extrêmement rare.
Cette "Mega-Streik" (méga-grève), comme l'ont déjà baptisée les médias allemands, touche un pays où les prix se sont envolés depuis plus d'un an, avec une inflation qui a atteint 8,7% en février.
Les syndicats demandent plus de 10% de revalorisation salariale, parfois jusqu'à 20%. Les employeurs (Etats, communes, entreprises publiques), eux, proposent une augmentation de 5% avec deux versements uniques de 1000 et 1500 euros.
"Il y a une accumulation de revendications depuis des années dans des secteurs où les salaires sont considérés comme bas", a expliqué Hélène Miard Delacroix, spécialiste d’histoire contemporaine allemande, dans La Matinale de la RTS lundi. "Vu de France, de Suisse, certaines demandes jusqu'à 15%, 20% [d'augmentation des salaires] peuvent paraître énormes. Mais du côté des syndicats, des travailleurs, les gens estiment que c'est normal".
EVG et Ver.di s'attendent à une "large mobilisation". La Deutsche Bahn a décidé de suspendre totalement le trafic grandes lignes lundi, prévenant que les perturbations seraient aussi très importantes en région.
La stratégie d'escalade à la française dénoncée
La fédération des aéroports allemands (DAV) a dénoncé une stratégie "d'escalade des grèves sur le modèle de la France", où les journées de mobilisation se succèdent contre la réforme des retraites. "Un conflit social qui n'a pas de répercussions est un conflit social inoffensif", a répliqué Frank Werneke, président du syndicat Ver.di.
Le terreau est de plus en plus favorable au mouvement social en Allemagne, qui s'éloigne de la culture du consensus qui a fait sa réputation. Avec un niveau de chômage particulièrement bas depuis la fin des années 2000, le pays souffre d'un manque de main d'oeuvre qui met en position de force les syndicats dans les négociations.
Depuis le milieu des années 2010, ceux-ci ont réussi à imposer des augmentations, après une décennie marquée par la politique de modération salariale de l'ère Gerhard Schröder, au nom de la compétitivité.
Cadre légal très différent de la France
"Le climat social en France peut donner des idées à certains en Allemagne mais il ne faut pas se tromper", a souligné Hélène Miard Delacroix.
"L'organisation des grèves est soumise en Allemagne à un cadre légal différent de celui de la France", a rappelé cette spécialiste. "Une grève qui n'est pas portée par un syndicat est interdite, une grève n'est pas possible pour faire pression sur le législateur. Ce qui se passe aujourd'hui entre parfaitement dans le cadre légal (…) quand on n'a pas réussi à se mettre d'accord autour de la table de négociations".
Augmentation systématique des salaires
Au niveau social, un record a été enregistré en 2015 en Allemagne avec plus de 2 millions de jours de grève dans l'année. Les salaires réels ont augmenté systématiquement de 2014 à 2021, sauf en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Mais la dynamique a été brisée par l'inflation en 2022, avec une baisse de 3,1%.
Après la menace d'une "grève à durée indéterminée", les 160'000 salariés de la Deutsche Post, qui négocient à part, ont déjà obtenu début mars une hausse de salaire moyenne de 11,5%.
Fin 2022, près de 4 millions de salariés allemands de l'industrie ont décroché une hausse de salaires de 8,5% sur deux ans, après plusieurs semaines ponctuées par des arrêts de travail.
oang/ther avec afp
Des dizaines de vols annulés par Swiss
En raison des grèves en Allemagne, Swiss a annulé lundi 42 vols aller et retour entre Zurich ou Genève et le pays d'outre-Rhin. D'autres compagnies aériennes ont également supprimé des vols. Le trafic ferroviaire en Suisse n'est pas touché.
Tous les vols à destination de Düsseldorf, Francfort, Hanovre, Munich, Nuremberg et Stuttgart ont été annulés, a indiqué l'aéroport de Zurich. Ils ont disparu des tableaux d'affichage, et les voyageurs ont été informés. A l'Euroairport de Bâle-Mulhouse, les vols de Lufthansa à destination de Hambourg et Francfort ont été annulés, comme l'indiquait le plan de vol.
Il n'y a pas eu d'afflux de passagers en attente. Les différentes compagnies aériennes avaient déjà annulé les vols correspondants vendredi dernier.
Dimanche déjà, quatre vols entre Zurich et Munich avaient été annulés, a indiqué Swiss à Keystone-ATS. Les aéroports de Berlin et de Dresde continuent eux d'être desservis par Swiss, tandis que celui de Hambourg ne l'est que dans le sens aller.
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