Les Jeux olympiques de Paris (26 juillet au 11 août 2024) sont face à un défi sécuritaire sans précédent. Pour la première fois de l'histoire olympique, la cérémonie d'ouverture ne se déroulera pas dans un stade, mais sur l'eau, avec la Seine comme fil rouge.
Ardemment souhaité par le président Emmanuel Macron et la maire de Paris Anne Hidalgo, le concept prévoit de faire descendre le fleuve en bateau, sur six kilomètres, les 10'500 sportives et sportifs. Le tout sous les yeux de près de 600'000 spectateurs, selon la jauge actuelle. A titre de comparaison, cela représente dix fois la capacité d'un stade olympique.
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L'enjeu d'image est considérable pour la France. Encore traumatisé par le
à Saint-Denis en 2022, et son cortège d'agressions de supporters étrangers, le pays veut à tout prix s'éviter une nouvelle humiliation internationale.
"On a tiré toutes les leçons des événements du Stade de France", a d'ailleurs assuré la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra sur France Inter, le 19 février dernier.
Des réserves de la Cour des comptes
Pourtant, la Cour des comptes suggérait, l'été dernier, de réduire la flotte, de procéder à des simulations en amont de la cérémonie et d'aménager le calendrier des épreuves le jour et le lendemain de la cérémonie d'ouverture pour "alléger la pression sur les forces de sécurité".
"Il y a un certain nombre de recommandations dans ce rapport sur lesquelles nous travaillons déjà", a souligné le comité Paris 2024, qui assure faire des enjeux de sécurité une priorité.
L'alerte maximum en termes de risques d'attentat a été étudiée en haut lieu. Des drones tueurs ou une cyberattaque du comité d'organisation, voire des hôpitaux d'Ile-de-France, sont anticipés, indique Franceinfo. D'ailleurs, le Parlement a adopté, la semaine dernière, le projet de loi olympique où figure l'autorisation de la vidéosurveillance dite "intelligente".
Je le dis aux gendarmes, aux policiers, aux sapeurs-pompiers, aux agents du ministère de l'Intérieur: il n'y aura pas zéro congé, mais il y aura besoin de plus de monde entre juin, juillet et août
Pour la seule cérémonie d'ouverture, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin prévoit de mobiliser 35'000 policiers et gendarmes. Il table sur une moyenne de 30'000 membres des forces de l'ordre en moyenne par jour durant la durée des Jeux.
"Les Jeux olympiques à Paris, c'est une fois par siècle. (...) Donc, je le dis aux gendarmes, aux policiers, aux sapeurs-pompiers, aux agents du ministère de l'Intérieur: il n'y aura pas zéro congé, mais il y aura besoin de plus de monde entre juin, juillet et août", a-t-il prévenu.
Un certain nombre d'événements sportifs et culturels en juin et juillet ont ainsi été décalés. Le Tour de France, par exemple, arrivera le 21 juillet à Nice, au lieu de Paris.
Le secteur privé en crise
Les forces de l'ordre devront également s'appuyer sur des agents de sécurité privés. Tant l'Etat que les organisateurs des JO craignent de ne pas réunir les 25'000 agents nécessaires pour sécuriser les sites de compétition, sous la responsabilité du Comité d'organisation.
Fin février, seuls 3000 de ces agents avaient été embauchés et 1800 étaient en formation, selon la préfecture de la région Ile-de-France.
Pendant les confinements liés au Covid-19, beaucoup de ces agents se sont réorientés vers d'autres activités, comme la logistique. Les faire revenir vers la sécurité s'annonce compliqué, même si les entreprises de sécurité ont fait des efforts afin de renforcer leur attractivité (davantage de contrats à durée indéterminée et des rémunérations augmentées au 1er janvier de 7,5%, après +3,5% en 2022), précise Le Monde.
Campagne géante de recrutement
Pôle Emploi a donc lancé une campagne en région parisienne, en s'adressant aux 10'000 agents agréés et aux chômeurs de longue durée dans d'autres secteurs, soit 100'000 personnes.
"Certaines ont déjà eu des activités qui peuvent se rapprocher de compétences liées à la sécurité privée, a expliqué Nadine Crinier, directrice de Pôle Emploi en Ile-de-France, à Franceinfo. Des agents d'accueil, des personnes qui ont fait du gardiennage de bâtiments ou du nettoyage de locaux industriels ou tertiaires et qui ont déjà l'habitude des procédures et des qualités d'observation. On va aller leur proposer des vidéos sur ces métiers, pourquoi pas des immersions en entreprise et former l'ensemble de ces personnes."
Le 24 janvier, au cours du débat au Sénat sur le projet de loi olympique, Gérald Darmanin avait opté pour un discours volontairement optimiste sur ce même sujet: "Nous pensons qu'un grand pays comme la France est capable de répondre à cet enjeu de sécurité privée", avait-il assuré, tout en estimant que les pouvoirs publics et le Comité d'organisation avaient "bien avancé": "On a 11'000 à 12'000 [personnes] qui répondent aux critères."
Une formation accélérée
La formation des agents a également été accélérée, 106 heures contre 170 habituellement. Les étudiants ont également été appelés à l'aide. Selon Le Parisien, les jeunes d'Ile-de-France ont reçu un message il y a quelques jours les informant de ce recrutement. En 2016, une mesure similaire, adoptée à l'occasion de l'Euro de football organisé en France, avait toutefois été un échec.
"On ira aussi chercher des forces complémentaires, peut-être dans des pays francophones", a expliqué la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra, lors d'une audition à l'Assemblée nationale le 1er mars.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'a en outre pas exclu une intervention de l'armée pour prêter main forte pendant les JO, tout en minimisant cette éventualité.
"Pas de risque d'infiltration terroriste"
Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a écarté, au micro de Franceinfo, tout risque qu'un terroriste tente de se faire infiltrer: "Le dispositif réglementaire qui encadre la profession n'a cessé de monter en puissance, à la fois sur leur professionnalisation avec des formations d'assez haut niveau et puis aussi sur la moralité, entendue au sens large, des agents, qui font l'objet, évidemment, comme les membres des forces de sécurité intérieures, d'enquêtes administratives, de manière à nous assurer qu'il n'y a pas de risque sécuritaire de ce point de vue. Evidemment que nous y veillerons."
Les règles ont d'ailleurs été récemment durcies. En plus d'un casier judiciaire vierge, un agent de sécurité doit justifier d'au moins cinq ans de présence légale sur le sol français.
Valentin Jordil
Où en sont les chantiers des infrastructures?
Un chaos dans les transports, c'est sans doute l'autre cauchemar des organisateurs des JO de Paris 2024, après les dysfonctionnements des derniers mois en région parisienne et un climat social et politique tendu autour de la gestion des bus.
Les aéroports pourront-ils gérer les millions de visiteurs attendus? Les adaptations nécessaires à la mobilité des personnes en situation de handicap seront-elles satisfaisantes?
Y aura-t-il des grèves, que nombre d'étrangers considèrent comme une spécialité française? Une impression encore renforcée actuellement par les images de poubelles s'entassant dans les rues de Paris sur fond de conflit autour de la réforme des retraites.
"On doit gérer du temps long, se préparer à un événement où il y aura (aussi) du temps très court, où il y aura peut-être des crises, a prévenu Emmanuel Macron, mi-mars. On ne sera pas parfait pour ces Jeux, soyons clairs (...). On sait que c'est impossible compte tenu du réseau de transports urbains qui est le nôtre."
Le président a ajouté devoir "mettre un petit coup de pression" sur les services concernés, en évoquant, sans plus de précisions, des "mauvaises nouvelles qui n'étaient pas forcément prévues" côté mobilité.
Infrastructures "dans les temps"
Sur les infrastructures sportives et de logement, "on est dans les temps, l'ensemble sera livré entre décembre 2023 et le printemps", a assuré la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra.
Reposant sur les recettes de billetterie, des sponsors et une contribution du Comité international olympique, le budget du comité d'organisation (96% d'origine privé) est aussi l'objet de toutes les attentions alors que les enveloppes initiales explosent traditionnellement dans ce genre d'événements et que l'inflation complique la donne.
Il a augmenté de 10% à 4,4 milliards d'euros fin 2022, pour un coût total qui s'élève à 8,8 milliards d'euros en y intégrant le budget de la Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques. "Les coûts sont absolument contenus", a considéré la ministre.
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Des compétitions dans la Seine
Quasi-certitude en revanche, la Seine, interdite à la baignade depuis 1923, devrait servir de cadre aux épreuves de natation en eau libre et du triathlon. "Nous sommes en passe de réussir", s'est félicité Emmanuel Macron avant d'évoquer cette "petite révolution" et, au-delà, le "formidable héritage" que représenteront aussi "5000 terrains de sport nouveaux" et les "infrastructures de transport". (afp)