Depuis le 12 décembre, il est quasiment impossible d'entrer ou de sortir du Haut-Karabakh. Cette enclave montagneuse à majorité arménienne s'était auto-proclamée indépendante de l'Azerbaïdjan dans les années 1990. Mais depuis, elle continue d'empoisonner les relations entre Erevan et Bakou.
Du jour au lendemain, des manifestants azerbaïdjanais ont bloqué le corridor de Latchine, où passe la seule route qui permet d'accéder au Haut-Karabakh depuis la guerre de 2020, privant les 120'000 habitants de la région de liberté de mouvement et limitant leur approvisionnement.
"Une guerre d'usure"
"Le blocus c'est comme une forme de guerre d'usure, parce qu'ils essaient de mettre de la pression par tous les moyens: pas de gaz, puis pas d'électricité, les supermarchés vides, plus de nourriture, manque de médicaments, donc évidemment c'était très stressant", raconte Nana, une lycéenne qui était rentrée voir sa famille avant la fermeture de la route, et que le 19h30 de la RTS a rencontrée.
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La jeune femme est restée bloquée trois mois, avant d'être évacuée avec d'autres étudiants et étudiantes et des personnes malades par des soldats de maintien de la paix russes. Aujourd'hui, elle ne sait pas si elle pourra revoir sa région natale une fois diplômée, ni quand elle pourra retrouver sa famille.
Passage au compte-gouttes
Inversement, à Goris, la dernière ville arménienne avant le corridor de Latchine, des centaines d'Arméniens, originaires du Haut-Karabakh, attendent de pouvoir rentrer chez eux. "Pour la première fois de toute ma vie, j'ai quitté le Karabakh pour aller au mariage de ma nièce. On est arrivés à Erevan le 11 décembre", raconte Arpinée, une professeure d'école arménienne, originaire du Haut-Karabakh.
Aujourd'hui logée à l'hôtel par le gouvernement arménien, l'enseignante prend son mal en patience. "Mes enfants sont là-bas, ma famille, nos cimetières, toute ma vie", énumère-t-elle.
Fin février, la Cour internationale de justice a ordonné à l'Azerbaïdjan de mettre fin au blocage du corridor de Latchine, mais la route reste pour l'instant fermée et le Haut-Karabakh isolé. Seuls les soldats russes et les véhicules du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) peuvent passer au compte-gouttes.
Regain des tensions
Ces derniers jours, plusieurs "opérations militaires" menées par l'Azerbaïdjan ont encore ravivé les craintes d'une nouvelle guerre dans la région.
Le premier conflit, au début des années 1990 au moment du démantèlement de l'URSS et qui a fait 30'000 morts, s'était soldé par une victoire arménienne avec le soutien de Moscou.
Mais l'Azerbaïdjan a pris sa revanche à l'automne 2020 à l'occasion d'une deuxième guerre, qui a fait 6500 morts et lui a permis de reprendre de nombreux territoires à la suite d'un accord de cessez-le-feu parrainé par la Russie, qui a déployé des soldats de la paix sur place.
Des échauffourées meurtrières au Nagorny-Karabakh ou à la frontière entre les deux pays continuent toutefois d'éclater périodiquement.
Accord de cessez-le-feu violé
Cette semaine, la Russie a accusé Bakou d'avoir violé cet accord de cessez-le-feu entre les deux pays, en laissant ses troupes franchir la ligne de démarcation. "Le 25 mars 2023 (samedi), une unité des forces armées azerbaïdjanaises a franchi la ligne de contact dans le district de Choucha, en violation" de l'accord conclu en 2020, a indiqué le ministère russe de la Défense dans un communiqué.
Selon Moscou, les troupes azerbaïdjanaises ont "occupé une hauteur" et "commencé l'installation d'un poste". Les soldats de maintien de la paix russes sur place "prennent des mesures visant à empêcher une escalade de la situation de crise et à éviter les provocations mutuelles des parties opposées". "La partie azerbaïdjanaise a été informée de la nécessité de respecter les dispositions (de l'accord), de prendre des mesures pour arrêter les travaux d'ingénierie et de retirer les forces armées sur les positions qu'elles occupaient auparavant", a encore ajouté le ministère russe.
L'Arménie met également en garde depuis plusieurs semaines sur une "crise humanitaire" au Karabakh du fait d'un blocus azerbaïdjanais qui a provoqué des pénuries de médicaments et de nourriture et des coupures d'électricité. Erevan accuse en outre les soldats de la paix russes de ne pas agir pour mettre fin à ce blocus.
Reportage TV: Astrig Agopian, en Arménie
Adaptation web: jgal avec afp