"Ce dimanche 2 avril, c'est vous qui décidez de l'avenir des trottinettes en libre-service à Paris", a lancé cette semaine sur Twitter la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, pour qui "cette votation citoyenne, qui est une première, s'apparente au référendum même si elle n'en a pas la forme légale".
Ce référendum n'a qu'un caractère consultatif, la mairie ayant le dernier mot, mais Anne Hidalgo, personnellement favorable à l'interdiction, a assuré que "l'avis des Parisiens [l]'engagera".
Les trottinettes sont notamment accusées par leurs détracteurs d'être abandonnées n'importe où dans l'espace public, de frôler à toute vitesse les piétons sur les trottoirs et d'avoir un piètre bilan écologique car elle sont mises au rebus au bout de quelques mois.
>> Lire aussi : E-trottinettes et e-bikes en libre-service ne sont pas si favorables au climat
Après la mort d'une Italienne de 32 ans en juin 2021, percutée par une trottinette électrique sur laquelle se trouvaient deux personnes, Paris avait obligé les opérateurs à brider la vitesse à 10km/h dans 700 zones denses.
Paris précurseur en 2018
En 2022, 22 décès accidentels dus aux engins de déplacement personnel motorisés, qui réunissent, outre la trottinette électrique, le monoroue, le gyropode et l'hoverboard, ont été répertoriés en France, contre dix en 2019.
Les partisans des trottinettes mettent en avant un mode de déplacement "doux", au même titre que les vélos en libre-service, particulièrement utile en cette période de grève récurrente dans les transports en commun parisiens, pour cause de mobilisation contre la réforme des retraites.
Engins du diable pour les uns, outils de transport pour les autres, la flotte des 15'000 trottinettes en service dans la capitale française est sur la sellette. Et les trois opérateurs de trottinettes à Paris (Lime, Dott et Tier) sont vent debout contre leur possible éviction, quand le secteur est en plein boom, avec plus de 700'000 trottinettes personnelles vendues en 2022 en France.
>> Lire aussi : La guerre est déclarée à Paris contre les e-trottinettes en libre-service
Introduites en 2018 à Paris, qui était alors précurseur en la matière, les trottinettes en libre-service ont progressivement perdu de leur côté ludique et utile pour devenir "un sujet de crispation" chez les Parisiens et Parisiennes, selon Anne Hidalgo.
Une initiative décriée
"On les prend et on les jette alors que les trottinettes personnelles, c'est différent, on peut les amener chez soi, au travail, voyager avec, on en prend soin", argumente la maire de Paris, très critiquée pour l'organisation de cette "votation", un terme qui n'existe pas en droit français.
Les consultations doivent "porter sur des sujets d'envergure" et non pas un sujet "mineur", tacle le maire Les Républicains du VIe arrondissement de Paris Jean-Pierre Lecoq, pour qui "l'exécutif parisien ne cherche qu'à faire valider par un vote une décision qu'il a déjà prise mais qu'il ne veut pas assumer seul".
Même du côté des écologistes, l'initiative divise: l'adjoint EELV aux mobilités, David Belliard, voulait chasser les 15'000 trottinettes sans protocole, il se retrouve à faire campagne "contre", tandis qu'une autre figure du parti, l'eurodéputée Karima Delli, a elle appelé à sauver les trottinettes.
Le clan du "pour" s'est organisé, au premier rang desquels les trois opérateurs, qui ont multiplié les opérations: course offerte dimanche pour aller voter, influenceurs payés sur les réseaux sociaux... Ils ont réclamé, en vain, le vote électronique pour ce scrutin qui doit a commencé à 9h et doit s'achever à 19h.
Pour voter, il faut être de Paris, inscrit sur les listes électorales et prêt à faire le déplacement dans un des bureaux de vote installé dans une des mairies d'arrondissement de la capitale.
agences/iar
Peu d'interdictions dans le monde, mais beaucoup de restrictions
Paris pourrait rejoindre les rares villes dans le monde qui interdisent les trottinettes électriques en libre-service, de nombreuses autres municipalités privilégiant des restrictions plus ou moins strictes. Ces engins ont pris d'assaut les grandes métropoles à partir de 2018, opérées par des entreprises comme Lime, Bird, Dott, Tier, Ufo, Bolt, Wind, Hive ou encore Voi.
Peu de villes leur ont résisté. Parmi elles, Montréal, qui a mis fin à l'expérience dès février 2020, après quelques mois d'expérimentation, en raison du manque de respect des utilisateurs vis-à-vis de la règlementation. La ville déplorait notamment que les trottinettes soient garées quatre fois sur cinq en-dehors des espaces dédiés.
Barcelone a également interdit la location de trottinettes sur la voie publique. Copenhague les avait aussi bannies en octobre 2020, avant de faire volte-face l'année suivante. Mais si elles sont de nouveau autorisées, les trottinettes en libre-service sont quasi-absentes du centre-ville, où elles n'ont pas le droit de se garer. Les conditions d'utilisation sont drastiques (port du casque obligatoire, parkings dédiés...).
Trottinettes privées interdites à Londres
Oslo et Stockholm ont également sévi en 2021, réduisant fortement le nombre d'engins en circulation. A Oslo, l'usage des trottinettes en libre-service est interdit la nuit. Plus au sud, Lisbonne a instauré de nouvelles règles plus sévères en mars, dont une limitation de la vitesse à 20 km/h, comme à Paris. Rome avait pris la même décision, mais la limitation, prévue début 2023, a été reportée sine die en raison d'une démission au sein de la commission chargée du sujet. La capitale italienne compte aussi interdire les locations aux mineurs.
Londres fait bande à part, en autorisant les trottinettes en libre-service tout en interdisant les trottinettes privées, afin de contrôler les caractéristiques des engins en circulation, qui sont bridés à 20 km/h et dont les lumières sont allumées en permanence pendant la location. Pour pouvoir les louer, il faut être majeur et avoir son permis de conduire. A New York, l'âge minimum est de 16 ans, contre 14 ans à Berlin et 12 ans à Paris (bientôt 14).
Certains pays interdisent par ailleurs aux trottinettes, qu'elles soient privées ou en libre-service, de rouler sur les trottoirs. C'est le cas en France, en Allemagne, mais aussi à Singapour, où les contrevenants risquent jusqu'à deux mois de prison et l'équivalent de 2000 dollars singapouriens d'amende, soit près de 1400 francs.