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Malgré les efforts, la transparence salariale a encore de la peine à s'imposer

L'égalité salariale femmes-hommes n'est toujours pas réalisé en Suisse en 2019. [Reuters - Ruben Sprich]
La transparence salariale pour réduire les discriminations / Tout un monde / 6 min. / le 3 avril 2023
Aux Etats-Unis, de plus en plus d'Etats introduisent des lois qui obligent les entreprises à publier une fourchette salariale sur leurs offres d'emploi. Dans l'UE, une nouvelle directive sur la transparence salariale devrait entrer en vigueur en 2024. Malgré ces efforts, la question reste encore très taboue dans les entreprises.

Aux Etats-Unis, "l'equal pay", soit la notion de "salaire égal", existe au niveau fédéral depuis les années 60, mais les discriminations subsistent, que ce soit envers les femmes ou les minorités. C'est d'ailleurs ce qui a poussé la Californie, le Colorado, Washington, mais aussi l'Etat de New York à introduire récemment des lois sur la transparence salariale. Désormais, toutes les entreprises doivent afficher sur leurs offres d'emploi le salaire correspondant au poste à pourvoir. Une démarche soutenue par une très large majorité d'employés dans le pays.

Pour Katerina Bezrukova, professeur à l'école de management de l'Université de Buffalo, cette démarche contribue à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. "Quand il s'agit de négocier son salaire suite à une offre d'emploi, on sait via des recherches sur le sujet que les femmes se débrouillent moins bien que les hommes et n'arrivent pas à maximiser leurs intérêts. Elles ont intégré des biais de genre qu'elles ont de la peine à dépasser. Donc disposer d'une certaine transparence dans les salaires, surtout lors des entretiens d'embauche, est extrêmement important", explique-t-elle lundi dans l'émission Tout un monde de la RTS.

>> Lire aussi : Vers plus de transparence salariale dans les entreprises?

L'opacité salariale, "une solution de facilité"

Il reste toutefois plus facile pour les entreprises de garder une certaine discrétion sur les salaires plutôt que de les publier, explique Katerina Bezrukova. "Du point de vue du manager, ça représente beaucoup de travail de justifier toutes les petites faveurs que l'on octroie à un employé. Avant, tout était fait dans un certain secret, une seule personne était au courant. Maintenant il sera difficile de répondre à toutes les questions que cette transparence va susciter. Il va y avoir des plaintes et des récriminations, tout ce que les managers n'aiment pas."

Depuis l'entrée en vigueur de ces nouvelles lois aux Etats-Unis, de plus en plus d'entreprises, grandes ou petites, mettent en ligne les salaires avec leurs offres d'emploi. Un effort de transparence qui peut créer certaines frustrations et tensions entre nouveaux et anciens employés. En effet, face à la pénurie de main d'oeuvre, les employeurs tentent d'attirer des candidats avec des rémunérations parfois plus élevées que celles perçues par certains employés en poste depuis plusieurs années et pour des poste équivalents.

La question des bonus

Il y a ensuite la question des bonus qui souvent ne figurent pas dans les offres d'emploi. En outre, les fourchettes salariales affichées sont parfois trop larges pour être vraiment utiles aux candidats. Les montants peuvent parfois aller du simple au double, notamment pour des postes hautement qualifiés comme médecin ou consultant financier. Dans ces cas là, il devient très difficile d'évaluer si l'entreprise est vraiment de bonne foi.

L'Union européenne s'est aussi saisie de la question de la transparence salariale. Dès 2024, les demandeurs d'emploi européens devraient avoir des informations chiffrées sur les postes auxquels ils se portent candidats. Les entreprises d'une certaine taille devront également publier régulièrement les écarts de rémunération internes.

De l'importance de la communication

Pour Eglantine Jamet, fondatrice d'Artemia, un cabinet de recrutement de cadres spécialisé dans la mixité, aller vers plus de transparence oblige les entreprises à revoir leur politique de rémunérations de fond en comble. Une démarche qui ne s'opère pas du jour au lendemain. "On ne peut pas passer d'une situation de relative opacité à une situation de transparence. Il y a un travail de réflexion, d'harmonisation, mais aussi de communication à mettre en place vis-à-vis des employés", explique-t-elle.

Et d'ajouter: "Même en imaginant une fourchette salariale, d'autres critères vont entrer en ligne de compte pour un poste donné comme le diplôme ou les années d'expérience. Si l'on ne prépare pas les collaborateurs à cette notion de transparence, cela va être compliqué d'éviter les incompréhensions, voire les jalousies de la part des employés".

Eglantine Jamet a introduit la transparence des salaires dans sa petite société de douze personnes. En Suisse, seule une poignée d'entreprises l'ont fait. Pour elle, annoncer d'emblée l'échelle des rémunérations contribue aussi à augmenter l'attractivité de l'entreprise et donc à attirer davantage de candidats.

>> Ecouter le reportage de 15 Minutes sur la transparence salariale dans les entreprises :

La cuisine de l'un des restaurants de la société Familie Wiesner Gastronomie. [RTS - Guillaume Rey]RTS - Guillaume Rey
15 Minutes - Plus de transparence salariale en entreprise ? / 15 minutes / 14 min. / le 19 février 2022

Sujet radio: Francesca Argiroffo

Adaptation web: hkr

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Nouvelles règles de transparence dans l'UE pour l'égalité salariale

Le Parlement européen a adopté une directive destinée à contraindre les employeurs dans l'UE à la transparence pour garantir une égalité de rémunération entre femmes et hommes. Elle prévoit des amendes en cas de discrimination salariale.

Les femmes gagnent 13% de moins par heure que les hommes pour le même travail en moyenne dans l'UE, selon des statistiques de la Commission pour 2020. Cet écart n'est que de 0,7% au Luxembourg mais grimpe à 15,8% en France, à 18,3% en Allemagne et jusqu'à 22,3% en Lettonie.

Les nouvelles règles, issues d'une proposition de la Commission européenne en mars 2021 et qui devront encore être entérinées par le Conseil (Etats membres), doivent permettre de mieux comparer les rémunérations hommes/femmes. Elles ont été largement adoptées par les eurodéputés (427 voix pour, 79 contre et 76 abstentions).