Nouvelle journée de manifestations en France, un restaurant fréquenté par Macron pris pour cible
Quelque 570'000 personnes ont manifesté en France, dont 57'000 à Paris, a affirmé le ministère de l'Intérieur, contre 740'000 le 28 mars, alors que l'estimation syndicale nationale fait état de près de 2 millions de manifestants.
Des violences ont à nouveau émaillé les rassemblements. Un célèbre restaurant du sud de Paris a été attaqué. "La Rotonde" était devenue un symbole du président français, qui y avait célébré sa qualification pour le second tour de la présidentielle en 2017. Le lieu, déjà victime d'une tentative d'incendie durant les marches des "gilets jaunes" en 2020, a cette fois-ci vu son auvent prendre feu, avant que les pompiers n'interviennent.
Une banque a aussi été vandalisée à Paris, alors que le porche de la succursale de la Banque de France à Nancy a été incendié. A Nantes, des heurts ont eu lieu pendant plus de trois heures entre les forces de l'ordre et des manifestants jetant des projectiles et commettant des dégradations.
Au total, 111 personnes ont été interpellées et 154 membres des forces de l'ordre blessés, "certains gravement", en France, a précisé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Moins de grévistes
Après l'échec mercredi d'une rencontre de conciliation entre la Première ministre Élisabeth Borne et l'intersyndicale, qui n'a duré finalement qu'une petite heure en raison du refus catégorique de la cheffe du gouvernement d'entrer en matière sur un retrait de la réforme, grèves et défilés ont repris dans tout le pays à l'appel des syndicats.
Du côté des grèves, la mobilisation était moins importante que lors des précédentes journées d'action, notamment dans les transports, plus fluides, et dans l'éducation, où le ministère a recensé moins de 8% d'enseignants et d'enseignantes grévistes. Enfin, du côté des étudiantes et des étudiants, des blocages de lycées et de sites universitaires ont eu lieu dans plusieurs villes.
>> Lire à ce propos : La grève des éboueurs parisiens suspendue, la mobilisation en repli contre la réforme des retraites
Dialogue rompu
Aucune partie ne semble prête à céder et l’impasse est totale dans ce bras de fer engagé depuis janvier. Pour les huit organisations syndicales qui mènent le mouvement, l'enjeu sera de mobiliser un maximum de monde dans la rue et les cortèges, alors que la journée précédente avait été un peu moins suivie. L'échec de la rencontre avec Elisabeth Borne pourrait faire office de catalyseur.
Les syndicats sont en tout cas très remontés contre Emmanuel Macron, qui les accuse d’être responsables de l’échec du dialogue en "refusant le compromis". "Stop à la provocation du président, qu'il garde ses nerfs", a rétorqué le modéré Laurent Berger, leader de la CFDT. "La solution, c’est lui qui l'a entre les mains."
Du côté du gouvernement, la stratégie semble claire: faire le dos rond et attendre que l’orage passe en misant sur un essoufflement du mouvement. Dans cette optique, les vacances de Pâques pourraient lui offrir un répit bienvenu.
Le pouvoir attend aussi la décision du Conseil constitutionnel, qui doit tomber le 14 avril. Si la loi est validée, la suite du mouvement social sera tributaire de la capacité des organisations syndicales de poursuivre la contestation. Mais quoi qu'il advienne, la reconstruction du lien entre le pouvoir et partenaires sociaux sera difficile.
jop/boi avec afp
Réforme adoptée sans vote
Pour rappel, la réforme très impopulaire des retraites prévoit le report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ. Ce grand chantier du second mandat d'Emmanuel Macron est sur les rails après avoir été adopté au forceps le 20 mars, sans vote de l'Assemblée nationale et à l'issue de semaines de manifestations.
L'utilisation du "49.3", mécanisme constitutionnel permettant une adoption sans vote au Parlement, n'a pas fait taire l'opposition et les syndicats. Au contraire, les relations entre le chef de l'Etat et les partenaires sociaux, en particulier la réformiste CFDT, se sont envenimées.