Les centrales d'Isar 2 (sud-est), Neckarwestheim (sud-ouest) et Emsland (nord-ouest) ont été déconnectées du réseau électrique peu avant minuit, comme prévu, ont indiqué leurs exploitants, l'énergéticien RWE parlant de "la fin d'une ère".
"Ce sera un acte très émouvant pour les collègues d'éteindre la centrale pour la dernière fois", avait assuré à quelques heures de l'échéance Guido Knott, le PDG de l'entreprise PreussenElektra qui exploite Isar 2, se disant "affecté personnellement".
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Pour le député écologiste Jürgen Trittin, c'est au contraire une sortie "qui arrive trop tard et non trop tôt", une "date historique" pour le mouvement antinucléaire allemand, l'un des plus puissants d'Europe, dont cet élu écologiste est l'une des figures depuis les années 1980. "Nous mettons fin à une technologie dangereuse, non durable et coûteuse", a-t-il lancé samedi lors d'un rassemblement devant la porte de Brandebourg à Berlin.
Un adieu à l'atome, symbolisé par une dépouille de dinosaure vaincu par les antinucléaires, y a rassemblé quelques centaines personnes, tout comme à Munich et dans d'autres villes d'Allemagne.
Vie prolongée quelques mois
L'Allemagne est désormais mise au défi de se sevrer des énergies fossiles, tout en gérant la crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine. Le gouvernement d'Olaf Scholz avait prolongé le fonctionnement des réacteurs de quelques mois par rapport à l'arrêt initialement fixé au 31 décembre, mais sans remettre en cause la décision de tourner la page.
La sortie du nucléaire vient de loin. Après une première décision de Berlin, au début des années 2000, d'abandonner l'atome, l'ex-chancelière Angela Merkel avait accéléré le processus dans la foulée de la catastrophe de Fukushima, en 2011. Depuis 2003, le pays a déjà fermé 16 réacteurs.
L'invasion de l'Ukraine a marqué une césure. Privée du gaz russe dont Moscou a interrompu l'essentiel des flux, l'Allemagne s'est retrouvée exposée aux scénarios économiques les plus noirs.
Hiver sans pénurie
L'hiver s'est finalement passé sans pénurie, la Russie a été remplacée par d'autres fournisseurs de gaz. Mais le consensus autour de la sortie du nucléaire s'est effrité: dans un récent sondage pour la chaîne de télévision publique ARD, 59% des personnes interrogées y voient une mauvaise idée dans le contexte actuel.
Les trois dernières centrales n'ont fourni que 6% de l'électricité produite en Allemagne l'an dernier, alors que le nucléaire représentait 30,8% en 1997. Entre-temps, la part des énergies renouvelables a atteint 46% en 2022, contre moins de 25% dix ans plus tôt.
afp/ami
Quid des déchets?
En 60 ans de recours à l’électricité nucléaire, l'Allemagne a produit quelque 27'000 mètres cubes de déchets. Et 623'000 mètres cubes de matériaux moyennement et faiblement radioactifs s’accumuleront d’ici à 2080, notamment en raison des opérations de démantèlement. La question de leur avenir est donc primordiale.
Bien que le pays se prépare à sortir du nucléaire depuis 2011, il n'a toujours pas statué sur une solution définitive. Actuellement, les déchets à faible radioactivité sont entreposés dans des centres provisoires en surface.
A la recherche du site de stockage idéal
L'Allemagne a un temps envisagé le site de Gorleben, situé au nord-est de la Basse-Saxe. Mais face aux nombreuses contestations de la population dans les années 1970, il a été décidé qu'aucun autre déchet n'y serait stocké.
L'ancienne mine de fer de Konrad, proche de Salzgitter (Basse-Saxe), devrait pouvoir accueillir ces déchets. Cette capacité est à l'étude depuis 1975. Sa mise en service est prévue pour 2027 et devrait permettre de stocker 303'000 mètres cubes de déchets faiblement et moyennement radiocatifs. Reste donc la question des plus contaminés.
Une cartographie des sous-sols allemands potentiellement adéquats pour accueillir les déchets nucléaires a donc été réalisée en 2021 par l'Agence fédérale pour le stockage définitif des déchets (Bundesgesellschaft für Endlagerung, BGE). Il en est ressorti que 240'000 km2 étaient éligibles à un enfouissement en profondeur.
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juma