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Les combats se poursuivent au Soudan, malgré une trêve annoncée

La population vit sous la menace des balles. [EPA/Stringer/Keystone]
Les combats se poursuivent à Khartoum au Soudan malgré une trêve annoncée / Le 12h30 / 1 min. / le 19 avril 2023
Le Soudan continue de trembler sous les raids aériens et les rafales de tirs des paramilitaires, au quatrième jour d'une lutte entre généraux au pouvoir. Les deux camps ignorent les appels internationaux à cesser les hostilités, qui ont déjà fait près de 200 morts.

Dans la capitale Khartoum, des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo dit "Hemedti", perchés sur des pick-ups, déchargent leurs mitrailleuses lourdes vers le ciel, face aux avions de l'armée qui tentent de viser leurs QG disséminés dans tous les quartiers.

Ces raids aériens ont déjà frappé quatre hôpitaux de la ville, s'alarment des médecins. Dans tout le pays, l'un des plus pauvres au monde et où la santé est à genoux depuis des décennies, seize hôpitaux sont désormais hors service (lire deuxième encadré).

>> Le point de situation mercredi matin dans La Matinale :

Une image satellite montrant une maison détruite lors d'un raid près de l'aéroport de Khartoum. [Keystone - Maxar Technologies via AP]Keystone - Maxar Technologies via AP
Au Soudan, le cessez le feu n'a pas été respecté / La Matinale / 1 min. / le 19 avril 2023

Les balles et les roquettes ont fait plus de 185 morts et plus de 1800 blessés depuis samedi, selon les Nations unies, et poussé plusieurs ONG et agences de l'ONU à suspendre toute aide.

Près de 320 militaires soudanais fuyant les combats meurtriers ont traversé la frontière dimanche et se sont rendus à l'armée tchadienne, a annoncé mercredi le ministre tchadien de la Défense.

Il est impossible de savoir quelle force contrôle quoi. Les deux camps disent par communiqués interposés tenir l'aéroport, le palais présidentiel et le QG de l'état-major. Et, en ligne, la désinformation prospère.

Des images satellites datées du 18 avril montrent que des affrontements ont eu lieu sur plusieurs bases aériennes. Des avions de combat et des hélicoptères ont été détruits.

>> Voir les images satellites des destructions sur des bases aériennes :

Des images aériennes montrent les combats au Soudan
Des images aériennes montrent les combats au Soudan / L'actu en vidéo / 38 sec. / le 19 avril 2023

De vains appels internationaux

Les appels des ministres des Affaires étrangères du G7, de l'ONU et des Etats-Unis "à mettre immédiatement fin à la violence" n'y font rien: des hommes en treillis, parfois enturbannés comme les nomades du Darfour, continuent de faire régner la terreur à Khartoum, tandis que les raids aériens de l'armée touchent des zones densément peuplées.

Mardi, le général Daglo a annoncé avoir approuvé "un cessez-le-feu de 24 heures". Cette déclaration "vise à dissimuler sa défaite imminente", a aussitôt dénoncé l'armée, sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhane qui dirige le pays depuis le putsch de 2021.

A l'heure dite, 18h en Suisse, le bruit des combats résonnait toujours dans différents quartiers de Khartoum, selon plusieurs témoins.

Les habitants, eux, sont en majorité cloîtrés chez eux sans électricité ni eau courante et voient leurs stocks de nourriture fondre. Alors que les rares épiceries ouvertes préviennent qu'elles ne tiendront plus longtemps sans réapprovisionnement, des grappes de femmes et d'hommes commencent à prendre le chemin du sud. Là, dans la province qui borde la capitale, il n'y a pas de combat.

>> Notre éclairage pour mieux comprendre la situation : Au Soudan, une guerre de pouvoir aux enjeux internationaux

>> Point de situation dans Forum mardi soir :

Les humanitaires sont pris pour cibles dans les combats au Soudan
Les humanitaires sont pris pour cibles dans les combats au Soudan / Forum / 2 min. / le 18 avril 2023

Les humanitaires pris pour cibles

Dans un pays où la faim touche plus d'un habitant sur trois, humanitaires et diplomates sont pris pour cible et disent ne plus pouvoir travailler. Trois employés du Programme alimentaire mondial ont été tués et des stocks d'aides pillés au Darfour (ouest).

Lundi, un convoi diplomatique américain a essuyé des tirs et l'ambassadeur de l'Union européenne a été "agressé dans sa résidence" à Khartoum. La diplomatie soudanaise, loyale au général Burhane, a accusé les FSR.

Interrogée mardi dans Forum, Alyona Synenko, porte-parole régionale du CICR en Afrique, basée au Kenya, confirme que la situation humanitaire est "extrêmement difficile". Et d'ajouter: "Nous sommes censés porter secours à des personnes blessées (...) et nous ne pouvons pas sortir de nos résidences, de nos bureaux, parce que la situation sécuritaire ne le permet pas."

La porte-parole dit espérer que la trêve annoncée sera respectée, même si elle est de courte durée: "Une trêve de 24 heures ne serait pas assez, mais on va utiliser chaque minute pour atteindre les hôpitaux, où la situation est dramatique."

>> L'interview d'Alyona Synenko dans Forum :

Crise sécuritaire et humanitaire au Soudan: interview d’Alyona Synenko
Crise sécuritaire et humanitaire au Soudan: interview d’Alyona Synenko / Forum / 3 min. / le 18 avril 2023

boi avec afp

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"Ce n'est pas une guerre civile"

Tirs et explosions secouaient encore Khartoum mardi soir, sans signe d'apaisement. Pour la population, qui assiste à l'affrontement des deux chefs militaires, la situation a dégénéré brutalement et de manière inattendue. D'après une habitante contactée par la RTS, personne ne s'y attendait dans la capitale. Désormais, la ville vit dans le stress et l'incertitude.

"Samedi, on avait déposé mon neveu à l'école au centre de Khartoum. Il a été bloqué de 8h à 20h. On a essayé d'aller le récupérer mais c'était impossible d’arriver jusqu'à l'école. Le soir, quand on a pu y arriver, on se faisait tirer dessus dans la rue en essayant de sortir. On n'était pas forcément la cible, mais ils tiraient partout et on était au milieu."

"Pas une guerre civile"

Selon elle, la situation risque de durer car il s'agit d'un conflit entre deux individus. "L’ego et la soif de pouvoir peuvent mener très loin", observe-t-elle.

"Ce n'est même pas le début d'une guerre civile. C'est complètement un problème entre deux personnes qui ont une armée derrière eux. On ne peut pas savoir combien de temps ils vont vouloir continuer, mais moi je pense que ça vient juste de commencer."

Cette habitante de Khartoum ne veut pas que des pays étrangers interviennent, elle craint un enlisement. Mais elle attend avec impatience de l'aide humanitaire et des soins psychologiques pour les personnes qui en ont besoin.

>> Son témoignage complet dans l'émission Tout un monde :

La population vit sous la menace des balles. [EPA/Stringer/Keystone]EPA/Stringer/Keystone
Une habitante cloîtrée de Khartoum au Soudan raconte le quotidien sous les combats / Tout un monde / 5 min. / le 19 avril 2023

Attaques "intolérables" contre les hôpitaux

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé à Genève les belligérants à garantir l'accès humanitaire aux personnes dans le besoin. Pour la docteure Margaret Harris, porte-parole de l'OMS, les récentes attaques contre des hôpitaux sont intolérables.

"Un grand nombre des neuf hôpitaux de Khartoum qui accueillent des civils signalent des pénuries de tout, de matériel ou de sang pour les transfusions par exemple. Et bien sûr, il y a des pénuries d'eau et des coupures d'électricité durant les blackouts. Il est donc très difficile de fournir des services."

>> L'interview de Margaret Harris mercredi dans La Matinale :

Les combats se poursuivent à Khartoum. [EPA/Stringer/Keystone]EPA/Stringer/Keystone
Il faut garantir l'accès humanitaire aux personnes dans le besoin au Soudan, interview de Margaret Harris / La Matinale / 1 min. / le 19 avril 2023

La Suisse étudie les possibilités d'évacuation pour ses ressortissants

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à Berne, qui dit suivre de très près la situation au Soudan, envisage d'évacuer la centaine de ressortissants suisses restés dans ce pays ravagé par la guerre. Il "examine en permanence les options et les mesures qui peuvent être prises sur la base de différents scénarios", a-t-il précisé mercredi à l'agence de presse Keystone-SDA.

Pour des raisons de sécurité, aucun détail ne sera communiqué. L'ambassade de Suisse dans la capitale Khartoum reste disponible pour apporter son soutien en cas d'urgence dans la mesure du possible, mais elle est fermée pour les visites et les demandes de visa, a précisé le DFAE. Le département est en contact avec des pays tiers et pourrait participer aux mesures de sauvetage d'autres Etats.