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Les combats au Soudan font craindre une nouvelle grande crise migratoire

Le conflit s'aggrave au Soudan. La situation ne permet pas d'organiser l'évacuation des ressortissants suisses
Le conflit s'aggrave au Soudan. La situation ne permet pas d'organiser l'évacuation des ressortissants suisses / 19h30 / 2 min. / le 21 avril 2023
Des combats continuent de déchirer le Soudan, où des milliers de civils sont pris en otage d'une guerre meurtrière entre deux généraux rivaux. Le HCR craint une nouvelle vague migratoire et estime que 10'000 à 20'000 Soudanais sont déjà arrivés au Tchad. La Suisse, elle, ne peut pour l'heure pas évacuer ses ressortissants.

Une mission de l'ONU est déjà à l'oeuvre dans l'est du Tchad pour évaluer les besoins urgents en cas d'afflux de réfugiés. D'autres pays voisins pourraient aussi accueillir des Soudanais, sans compter les millions de déracinés forcés de se déplacer à l'intérieur du Soudan.

Les cinq millions d'habitants de Khartoum, eux, commencent une septième journée sous le fracas des raids aériens et des combats de rue. Des explosions et des tirs ont à nouveau secoué la ville aux premières heures, vendredi, de la fête de l'Aïd al-Fitr qui marque la fin du Ramadan et pour laquelle l'ONU avait espéré un répit pour les civils.  

Dans la capitale, de nombreuses familles ont épuisé leurs dernières victuailles et n'ont plus ni électricité ni eau courante. Certaines se pressent sur les routes pour fuir, entre check-points des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et de l'armée du général Burhane, et des cadavres qui jonchent les bords de route.

Plus de deux tiers des hôpitaux hors d'usage

L'armée de l'air, qui vise les bases et les positions des FSR disséminées dans les zones résidentielles, n'hésite pas à larguer des bombes, parfois au-dessus d'hôpitaux, ont témoigné des médecins. "Quelque 70% des 74 hôpitaux de Khartoum et des zones touchées par les combats ont été mis hors d'usage", selon leur syndicat. Bombardés, ils n'ont plus aucun stock pour opérer, ou bien des combattants en ont pris le contrôle, chassant médecins et blessés.

Le personnel humanitaire a en grande partie été forcé de suspendre son aide, cruciale dans un pays où plus d'un habitant sur trois souffre de la faim en temps normal.

Un humanitaire de l'Organisation internationale pour les migrations a en outre été tué vendredi dans les combats, a annoncé le directeur général de cette agence onusienne. Son véhicule a été pris dans un échange de tirs entre deux parties belligérantes

>> Les précisions dans La Matinale :

Le HCR redoute une vague migratoire au Soudan. [Keystone/EPA - Stringer]Keystone/EPA - Stringer
Risque de crise migratoire suite aux combats au Soudan / La Matinale / 1 min. / le 21 avril 2023

Situation discutée

La situation au Soudan sera discutée lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE lundi à Luxembourg.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell multiplie les contacts avec les dirigeants des pays de la région. Il s'est entretenu avec le secrétaire général de la Ligue Arabe et avec le ministre égyptien des Affaires étrangères.

"Il appartient aux organisations africaines d'oeuvrer pour obtenir un cessez-le-feu. La stabilité de la région est en jeu", a-t-on insisté de source européenne.

Les belligérants ont ignoré les multiples appels au cessez-le-feu à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Fitr, la fin du mois sacré du Ramadan.

L'UE cherche à évacuer ses quelque 1500 ressortissants

L'Union européenne multiplie les contacts pour obtenir un cessez-le-feu au Soudan et pouvoir évacuer par voie terrestre ses quelque 1500 ressortissants pris dans les combats à Khartoum, a annoncé vendredi un responsable européen.

"L'évacuation ne pourra pas se faire par l'aéroport, fermé, mais par voie terrestre et nous avons besoin d'un cessez-le feu de trois jours pour mener une telle opération", a-t-il précisé.

"Les conditions sécuritaires ne sont pas réunies pour envisager une telle opération pour le moment, mais nous serons prêts le moment venu", a-t-il ajouté.

L'opération est coordonnée par la France et la Grèce, a-t-on précisé.

>> L'interview dans Forum d'Alice Franck, maître de conférence en géographie à l'Université Paris 1 :

Intensification des combats au Soudan: interview d'Alice Franck
Intensification des combats au Soudan: interview d'Alice Franck / Forum / 6 min. / le 21 avril 2023

Vincent Cherpillod avec cg et ats

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Les citoyens suisses et le personnel diplomatique pas évacués

Le personnel de l'ambassade de Suisse au Soudan ainsi que la centaine d'autres citoyens suisses doivent pour l'heure rester dans le pays en guerre car la situation ne permet pas un départ organisé, a annoncé vendredi le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Il n'existe actuellement aucune garantie de sécurité de la part des parties au conflit, a précisé le chef du Centre de gestion des crises au DFAE Serge Bavaud.

Basée dans un quartier contesté de Khartoum, l'ambassade est exposée aux combats. Une partie du personnel est bloquée sur place. Certains collaborateurs ne peuvent pas quitter leur domicile et doivent y travailler. La résidence de l'ambassadeur a en outre été touchée de manière collatérale par les combats et les habitations d'employés ont été endommagées.

L'ambassade compte sept expatriés suisses, de même que cinq accompagnants. En comptant le personnel local, elle emploie une cinquantaine de personnes, dont 30 gardes. Par ailleurs, six voyageurs de passage ont été enregistrés. Ceux-ci ont été informés, mais aucun n'a émis besoin de protection consulaire.

L'opérabilité de l'aéroport n'est pas assurée

Toutes les options sont examinées pour une évacuation ou un départ organisé. L'administration fédérale est mobilisée et la Suisse est en contact avec des Etats tiers et l'UE sur cette question. "Nous espérons un cessez-le-feu et l'ouverture d'une fenêtre d'opportunité", a souligné Serge Bavaud. Les conditions ne sont toutefois pas encore réunies.

Avec des combats à proximité, l'opérabilité de l'aéroport n'est par exemple pas assurée, a précisé l'ambassadeur. Dans tous les cas, une évacuation n'est envisageable qu'avec des avions de transport militaire. Il est en effet peu probable que des compagnies aériennes mettent leurs appareils à disposition.

Une dégradation de la situation soudaine et inattendue

A la chute du dictateur Omar El bechir en 2019, rien ne laissait présager le développement d'une guerre civile au Soudan et d'une situation à même de pousser des milliers de Soudanais sur la route. Mais le coup d'Etat militaire a changé la donne.

"Avec la révolution, il y avait de l'espoir. Les Soudanais voulaient rester au Soudan, commencer à y construire une vie plus saine, plus fortunée, sans être obligés de partir en exil", a témoigné Azza Ahmed Abdelaziz ,chercheuse au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales de Khartoum vendredi dans La Matinale de la RTS.

"La population voit qu'on s'éloigne du rêve d'un gouvernement entièrement civil"

D'autant plus que migrer est compliqué pour les jeunes Soudanais. "Il faut traverser des frontières hostiles, puis parfois la Méditerranée en bateau", souligne la chercheuse, pour qui les habitants étaient prêts à tenir le coup malgré la situation difficile dans le pays.

"Les choses ont basculé avec le coup d'Etat du 25 octobre 2021. La situation politique devient de plus en plus compliquée. La population voit qu'on s'éloigne du rêve ou de l'idéal d'un gouvernement entièrement civil", constate Azza Ahmed Abdelaziz. Et les affrontements meurtriers actuels risquent encore d'accélérer le départ de ceux qui gardaient encore un mince espoir de changement.

>> Lire aussi : La rue vent debout contre le coup d'Etat au Soudan, le Premier ministre à domicile