Il en avait l'"intention", c'est désormais officiel: Joe Biden, 80 ans, a annoncé mardi sa candidature à l'élection présidentelle de 2024, qui pourrait le voir affronter à nouveau Donald Trump, à peine moins âgé que lui avec ses 76 ans.
"Je suis candidat à ma réélection", a dit le président américain dans un message vidéo publié sur Twitter, s'ouvrant sur des images de l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021. "Finissons le travail", a déclaré Joe Biden, en insistant sur le combat toujours en cours selon lui pour la liberté et la démocratie.
Le parti républicain a accusé Joe Biden d'être "déconnecté" après l'annonce de sa nouvelle candidature. "Biden est tellement déconnecté de la réalité qu'il pense mériter quatre ans de plus au pouvoir alors qu'il ne fait que créer des crises", a dénoncé la cheffe du parti Ronna McDaniel.
Le principal handicap du démocrate, dont la cote de popularité reste médiocre, est son âge. Jamais encore les Américains n'avaient élu un président aussi âgé, jamais non plus un candidat ne leur avait demandé de lui laisser les clés de la Maison Blanche jusqu'à ses 86 ans.
Un président en "bonne santé"
Le président s'est soumis, en novembre 2021 puis en février 2023, à des bilans de santé qui ont conclu qu'il était "en bonne santé". Joe Biden affiche certes une endurance peu commune, jonglant entre crises internationales et grandes réformes.
Son déplacement à Kiev, une initiative inouïe pour le chef d'Etat entouré du plus strict dispositif de sécurité du monde, a rappelé de manière spectaculaire son rôle d'architecte de la riposte occidentale après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Et il n'a de cesse de rappeler les très ambitieuses réformes adoptées à son initiative pour réindustrialiser l'Amérique, attirer les technologies de pointe, accélérer la transition énergétique, rénover les infrastructures et "donner un peu d'air", comme il le dit souvent, à la classe moyenne.
Reste que dans un pays où l'image est tout, où un candidat se doit de déborder de vitalité, le président ne peut cacher son âge. Son allure est plus précautionneuse, son élocution parfois brouillonne et il a des moments de confusion dont l'opposition républicaine s'empare pour mettre en doute son acuité mentale.
Biden compte sur son bilan
Mais Joe Biden a bien noté que, selon les sondages, la candidature de son prédécesseur Donald Trump, 76 ans et officiellement en course depuis novembre dernier, n'enthousiasme pas plus que la sienne.
Le démocrate estime donc que s'il a battu une fois son prédécesseur républicain, figure clivante par excellence, il peut y arriver à nouveau en mettant en avant sa personnalité bonhomme et son programme rassembleur.
Joe Biden compte aussi sur son bilan et sur la santé florissante de l'économie et de l'emploi. Rien de tout cela n'impressionne beaucoup les ménages américains, qui se débattent avec une forte poussée d'inflation.
L'équipe de Biden parie pourtant que dans deux ans, les routes rénovées, les médicaments moins chers, les ouvertures d'usine seront portés au crédit du candidat démocrate.
Rendre sa "dignité" à l'Amérique populaire
Joe Biden, qui avait fait campagne en 2020 pour "sauver l'âme de l'Amérique", devrait cette fois insister davantage sur la dimension sociale et économique de son projet.
Depuis le début de l'année, il martèle sa volonté de rendre sa "dignité" à l'Amérique populaire "oubliée", perturbée par la mondialisation, que Donald Trump a su en partie séduire. Reste une grande inconnue: quelles seraient les chances de Joe Biden s'il faisait face en novembre 2024 à un ou une adversaire plus jeune?
Le nom du gouverneur de Floride Ron DeSantis, 44 ans, figure de la droite dure, circule beaucoup. Mais il ne s'est pour l'heure pas déclaré. Moins connue, la républicaine Nikki Haley, déjà en campagne, appelle à faire émerger une "nouvelle génération". Elle réclame notamment des tests de capacité intellectuelle pour tous les responsables politiques de plus de 75 ans.
ats/ther/juma
Une candidature qui divise
A Washington, une ville qui vote massivement démocrate, l’enthousiasme pour la candidature de Joe Biden est mesuré.
"Je ne suis pas très emballé, je dirais plutôt résigné", confie un homme interrogé dans les 19h30 de la RTS mardi.
Une autre citoyenne se veut moins négative: "vu les autres options et les incertitudes, ce pourrait être le meilleur choix."
"Le principal enjeu sera de mobiliser les électeurs"
Très attendue, la candidature de Joe Biden n'est pas une surprise pour les observateurs de la politique américaine. Mais elle pose beaucoup de questions.
"Le président Joe Biden n'est pas très populaire et il est critiqué même auprès des démocrates", relève David Sylvan, professeur émérite au Graduate Insitute à Genève.
"Le problème est que la vice-présidente Kamala Harris n'a pas su convaincre de sa capacité à mener campagne face à Donald Trump. Pour les démocrates, Joe Biden apparaît donc comme la meilleure option", détaille-t-il.
Thèmes porteurs
S'il a tenu ses promesses et se vante d'avoir fait passer d'ambitieuses réformes, le président démocrate a aussi déçu, notamment au sein des communautés afro-américaines et des jeunes. "Joe Biden n'est pas quelqu'un qui inspire beaucoup les gens. Le principal enjeu sera de mobiliser les électeurs pour qu'ils ne restent pas à la maison le jour du vote", estime David Sylvan.
Car si les démocrates s'en étaient sortis mieux que prévu aux élections de mi-mandat, c'est - à ses yeux - davantage lié au profil des candidats républicains choisis par Donald Trump (et qui ne faisaient pas forcément l'unanimité au sein de leur propre parti) qu'à la personne de Joe Biden lui-même. Le président - comme son parti - a en outre profité de la vague de protestation qui avait suivi l'arrêt de la Cour suprême contre l'avortement.
"En 2024, il s'agira de faire oublier l'âge du candidat et ses faiblesses, en fédérant autour de thèmes porteurs", conclut David Sylvan.
Propos recueillis par Juliette Galeazzi