En ce moment, Paris est un chantier à ciel ouvert. La capitale française se prépare à accueillir les Jeux olympiques de 2024. Pendant encore plusieurs mois, les ouvriers vont s'activer pour respecter le calendrier d'une soixantaine de chantiers olympiques à Paris, et ailleurs en France.
En parallèle, 140 autres sites sont en travaux pour le Grand Paris Express. Ce projet, qualifié de "chantier du siècle", doit créer quatre nouvelles lignes de métro automatiques dans le sous-sol parisien. En tout 200 kilomètres de tunnels seront creusés pour un investissement de 42 milliards d'euros. La mise en service est prévue entre 2025 et 2030.
Ce chantier, qui fait travailler près de 8000 personnes, se voulait exemplaire. "La sécurité de ces chantiers a été d'emblée une priorité", assure Bernard Cathelain, membre du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), dans Le Monde, avec notamment une charte de sécurité, actualisée onze fois depuis 2016, que s'engagent à respecter toutes les parties prenantes, sous peine de pénalités. "Il y a au moins un audit annuel par chantier, afin de faire remonter d'éventuels dysfonctionnements", précise-t-il.
Cinq morts
Pourtant, cinq personnes sont déjà décédées depuis le début des travaux, en 2015. Dernier en date, le 6 avril, un ouvrier de 22 ans a été écrasé par une chute d'un bloc de béton.
Dans un communiqué, la Société du Grand Paris (SGP) a reconnu pour la première fois une exigence de sécurité pas suffisamment respectée par ses prestataires. "Des investigations sont en cours pour déterminer les circonstances exactes de ce dramatique accident et en tirer toutes les conséquences", assure-t-elle.
Récemment, une amende de 250'000 euros a été requise contre l'entreprise Dodin Campenon Bernard, filiale de Vinci, jugée pour la mort d'un intérimaire en février 2020.
Selon l'enquête de l'émission de France 2 Complément d'enquête, les intérimaires sont les premières victimes des accidents de travail, deux fois plus que la moyenne. Les ouvriers seraient envoyés sur les chantiers sans que tous les tests de sécurité ne soient compris et réussis par l'employé.
Près de 2800 interventions
L'inspection du travail a mené "près de 2800 interventions" sur les grands chantiers en Ile-de-France, dont ceux liés aux JO de 2024, et "141 enquêtes d'accidents du travail sur site" depuis novembre 2019, indique le gouvernement.
Sur les chantiers liés aux JO, un bilan réalisé à la mi-octobre 2022 faisait état de 87 accidents du travail, dont 11 graves, mais aucun mortel. Ces chantiers hors normes ont débuté il y a plusieurs années mais sont vraiment montés en puissance en 2022.
Depuis dix ans, le nombre d'inspecteurs du travail a diminué de près de 10%. Le ministère du Travail a promis d'en recruter 300 en 2023.
Une journée de prévention
Fin avril, une réunion de travail a été organisée entre plusieurs ministres et les maîtres d'ouvrage des grands chantiers en Ile-de-France couvrant le périmètre des JO et de la SGP.
"Au cours de la réunion, les intervenants ont présenté les mesures qui vont être engagées pour améliorer les dispositifs visant à garantir la santé et de la sécurité de tous au sein de ces chantiers", ajoute le communiqué, sans détailler ces mesures à ce stade.
Plus largement le gouvernement va déployer dans les prochaines semaines "une campagne de prévention multilingue à destination des travailleurs détachés" pour améliorer la prévention des accidents du travail dans les entreprises, notamment celles du bâtiment, a détaillé le ministre du Travail Olivier Dussopt dans un entretien au Figaro.
Et son collègue, le ministre des Transports Clément Beaune, a indiqué sur Twitter que le chantier du Grand Paris Express sera à l'arrêt le 10 mai "pour renforcer la formation et la culture de la sécurité".
"Les chantiers de la mort"
Il y a un mois déjà, après un autre accident mortel, la CGT Construction dénonçait les cadences imposées pour respecter les échéances du chantier, plusieurs fois repoussées.
"Ce Grand Paris Express devient vraiment les chantiers de la mort. Deux ans et demi de chantier: cinq morts! Un mort tous les six mois en moyenne", s'indigne Bruno Bothua, secrétaire général de la FNSCBA, qui fédère les salariés du bâtiment, cité par Franceinfo.
"On ne peut pas continuer dans ce sens-là, ce n'est pas possible", martèle le syndicaliste.
La France, "cancre" d'Europe
La France a recensé 600'000 accidents du travail en 2021, dont 645 ont été mortels, selon le rapport annuel de l'Assurance maladie. Avec une moyenne de deux morts par jour, la France fait partie des plus mauvais élèves des classements européens en matière de sécurité au travail.
La CGT réclame plus de moyens pour l'inspection du travail sur ce chantier et demande toujours à Emmanuel Macron de faire de la mort au travail une grande cause nationale.
"On a eu les chiffres Eurostat qui sont tombés et qui confirment que la France est avant-dernière au niveau des accidents mortels au travail en Europe sur 30 pays étudiés", relate Bruno Bothua.
Avec 1200 morts en 2019, c'est le plus fort taux en Europe, selon l'Eurostat. "Ce n'est pas possible qu'on ait 0,8 mort pour 100'000 salariés en Allemagne et qu'on soit à 3,8 morts en France", dénonce encore le secrétaire général CGT de la construction.
A titre de comparaison, en 2018, les incidences mortelles pour la Suisse représentaient 1,24 cas pour 100'000 travailleurs, contre une moyenne de 1,63 cas pour l'Union européenne.
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vajo avec afp