Pendant l'été 2022, l'Allemagne avait déjà testé un tarif de 9 euros pour les transports locaux et régionaux. Le ticket s'était si bien vendu, à 52 millions d'exemplaires, que le gouvernement avait décidé de le pérenniser.
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Ce dispositif est subventionné à hauteur de 3 milliards d'euros par l'Etat fédéral et les Länder. Cela permet d'éviter de creuser davantage le déficit de la Deutsche Bahn, l'opérateur ferroviaire national, estimé à 30 milliards d'euros.
D'ici à 2030, Berlin va également investir plus de 100 milliards d’euros dans ses infrastructures ferroviaires, qui souffrent de vétusté et de retards à répétition. En 2022, seuls 65% des trains sont arrivés à l'heure en Allemagne.
Ultra-attractif
Avant de conclure qu'il s'agit de "la plus importante réforme des transports de l'histoire", selon les mots du ministre des Transports Volker Wissing, ou d'une "révolution ferroviaire", comme l'a dit une élue écologiste, cet abonnement doit faire ses preuves. Mais il séduit rapidement: il s'en est déjà écoulé 750'000 en prévente. L'association allemande des gestionnaires de transports publics (VDV) table sur au moins 16 millions de futurs abonnés, dans un pays de 84 millions d'habitants.
En conséquence, le site internet de la Deutsche Bahn était en surchauffe lundi, incapable de gérer la demande pour ce nouveau tarif qui défie toute concurrence. Dans certaines régions, il représente une baisse de moitié de l'abonnement mensuel.
Ce nouveau tarif est un coup de pouce face à l'inflation, mais il permet aussi de favoriser les transports publics, moins polluants que les voitures personnelles. En matière de décarbonation, le secteur des transports allemand est la bête noire puisqu'il continue à produire plus de gaz à effet de serre, alors que les émissions diminuent dans les autres secteurs.
Pas possible en Suisse selon l'Union des transports publics
En Suisse, l'abonnement général (AG) mensuel en 2ème classe coûte actuellement 420 francs, soit 8 à 9 fois plus cher. Mais pour l'Union suisse des transports publics (UTP), une mesure comme celle prise en Allemagne ne pourrait pas s'appliquer à la Suisse car il faut prendre en compte le coût de la vie et le fonctionnement du dispositif.
"Les modèles allemand et suisse de transports publics ne sont pas du tout comparables. Le Deutschlandticket n'est pas valable sur l'offre nationale de trains comme l'est l'abonnement général [hors trains à grande vitesse, les trains qui relient les différentes villes allemandes sont bien compris dans l'offre, ndlr]", a estimé la porte-parole de l'UTP Floriane Moerch, mardi dans La Matinale de la RTS.
"Toute bonne offre a son prix et de ce fait, une offre trop bon marché aurait tendance à prétériter l'offre. L'équilibre actuel en Suisse, dont le financement est réparti à 50% par les usagers et 50% par les pouvoirs publics, a fait ses preuves et le remettre en cause n'est pas une bonne idée", défend la porte-parole.
Hausse de prix côté suisse
En Suisse, certains usagers ne comprennent pas ce qui justifie la future augmentation du prix de l'AG alors que plusieurs pays européens réduisent le prix des transports publics, voire les rendent gratuits.
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Secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs et conseillère nationale verte, Sophie Michaud Gigon déplore que du côté de la Suisse, les coûts des transports publics prennent l'ascenseur. Pour elle, l'Allemagne est un exemple à suivre.
"La Suisse devrait s'inspirer du modèle allemand comme du modèle autrichien [...] Les transports peuvent représenter 10% du budget des familles. Et si l'on veut un report de la route au rail pour des raisons écologiques, de pollution et de santé, alors il faut rendre les transports publics plus abordables."
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Sujet radio: Anne Mailliet et Noriane Rapin
Article web: Julie Marty/vic
Un AG à 50 francs par mois serait-il possible en Suisse?
Un abonnement général à un tarif aussi compétitif que celui de l'Allemagne ferait rêver bon nombre de Suisses. Mais une telle mesure semble illusoire dans le pays, où les tarifs sont au contraire à la hausse.
Interrogé mardi dans le 19h30, Helmut Eichhorn, directeur d'Alliance SwissPass, rappelle que cette disposition a comme objectif premier en Allemagne de faciliter l'accès aux transports publics, en travaillant notamment avec des outils digitaux. "Une tendance sur laquelle la Suisse travaille déjà depuis plusieurs années alors que l’Allemagne, elle, part d’une feuille blanche".
Pour Helmut Eichhorn, introduire un tel système est un choix politique. "En Suisse, le système des transports publics est financé à 50% par les pouvoirs publics, l'autre moitié est payé par les utilisateurs et utilisatrices. La question est donc de savoir si on souhaite changer cet équilibre", souligne-t-il.