Les talibans de retour au pouvoir en Afghanistan ont pris en presque 19 mois "20 mesures contre les femmes", relève Solène Chalvon-Fioriti, grand reporter française et réalisatrice du documentaire "Afghanes".
Certaines interdictions ne concernent que quelques centaines d'Afghanes, comme par exemple celle d'interdire aux femmes d'aller dans les parcs. En effet, il n'y a pas de parcs publics en Afghanistan, à part dans quelques grandes villes. "En revanche quand vous privez 3 millions de filles d'éducation secondaire et d'université, c'est très grave", accuse-t-elle au micro de l'émission Forum de la RTS.
"Les talibans s'en prennent aussi aux femmes pauvres et vulnérables puisqu'elles sont interdites de mendicité, de bain public et également de distribution de nourriture", fustige la journaliste. Les Afghanes n'ont plus le droit non plus de travailler avec les organisations internationales chargées de l'aide humanitaire.
"L'interdiction faite aux femmes de travailler avec l'ONU et les ONG locales et internationales est inacceptable, et met des vies en danger" en raison de leur rôle essentiel dans l'aide humanitaire, a martelé mardi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. L'ONU est confrontée à un "choix affreux", celui de continuer ou pas à intervenir dans le pays.
Pas de discussion possible
Alors que l'ONU a organisé des discussions avec les représentants des puissances mondiales sur l'approche à adopter avec les autorités de Kaboul, Solène Chalvon-Fioriti relève "qu'aucun dialogue n'est possible avec les talibans. Même les pays musulmans extrêmement conservateurs comme le Qatar et le Pakistan, qui a oeuvré pour le retour des talibans, n'arrivent pas à leur parler".
Les talibans sont "tout puissants et n'écoutent rien ni personne", explique encore la journaliste. "Aujourd'hui, c'est la ligne très dure qui est souveraine, il faut espérer qu'à l'intérieur du mouvement taliban des dissensions surgissent, avec des hommes qui ont passé du temps à l'étranger, qui parlent anglais et qui ont des filles qui vont à l'école. Il faut que de tels éléments aient une influence pour que ce mouvement s'ouvre".
Réseau des écoles clandestines
Relevant le courage extraordinaire de la vingtaine de femmes qui ont brièvement manifesté samedi à Kaboul contre une éventuelle reconnaissance internationale du gouvernement taliban, Solène Chalvon-Fioriti a toutefois reconnu que les Afghanes ont peu de chance de pouvoir agir de l'intérieur pour faire changer les choses.
"La vraie résistance massive en Afghanistan, complètement inattendue, c'est le réseau des écoles clandestines, qui sont entre 10'000 et 20'000 aujourd'hui. Les monter en moins de 19 mois dans tout le pays est une résistance qui fait moins de bruit mais qui est très présente en Afghanistan", souligne la journaliste et réalisatrice.
Propos recueillis par Esther Coquoz
Adaptation web: France-Anne Landry