Les Soudanais peuvent entrer en Egypte sans visa et ils y affluent. C'est l'un des seuls pays voisins ayant gardé sa frontière ouverte, ce qui pose des problèmes logistiques et crée des conditions chaotiques.
De longues procédures
Depuis l'éclatement des combats entre les deux généraux rivaux de Khartoum, des milliers de Soudanais s'agglutinent aux deux postes-frontières égyptiens dans des conditions chaotiques, parfois sans nourriture, sans eau, sans sanitaires pendant plusieurs jours.
>> Lire également : Au Soudan, "le risque d'une restauration autoritaire"
Après un long voyage depuis Khartoum, Abdallah Mohamed Osman a enfin pu poser ses valises à la gare routière d'Assouan. L'employé de banque, qui a pris la fuite avec ses frères, est parti il y a six jours. Ils ont franchi la frontière près de la ville soudanaise de Wadi Halfa, 350 kilomètres plus au sud.
"Le passage de la frontière nous a pris quatre jours car les procédures sont très longues. A Wadi Halfa, il y a beaucoup de gens qui dorment dans les écoles ou dans le souk. Il n'y a pas suffisamment de place pour accueillir tout le monde. La ville est débordée par les arrivées et la situation est dure", témoigne-t-il.
Entraide volontaire
Faute d'une réponse efficace à la crise de la part du gouvernement égyptien, qui a mis quinze jours avant de laisser les Nations unies se rendre sur place, des volontaires ont pris les choses en main.
C'est le cas de Mahmoud Mahdi, 25 ans, originaire de Khartoum. Il était en vacances au Caire quand le conflit s'est déclenché. "J'avais de la famille coincée à la frontière aussi. Ils sont partis de Khartoum et sont tout juste arrivés, donc c'est devenu une question personnelle pour moi", explique-t-il.
Avec une dizaine de volontaires, ils ont élu leur quartier général dans l'un des cafés qui borde la gare d'Assouan. Ils y réfléchissent à la meilleure manière de venir en aide aux réfugiés qui arrivent.
"On s'est divisés en deux équipes: une à la gare de trains pour aiguiller les gens qui sont parfois un peu perdus et l'autre à la gare de bus pour éviter qu'ils se fassent escroquer sur les prix. Et certains d'entre nous tentent de faire parvenir des provisions à la frontière", poursuit Mahmoud Mahdi.
La veille, ils ont rempli la soute d'un bus en partance pour la frontière avec des couches et des bouteilles d'eau. "Nous avons des contacts à la frontière qui nous informent des besoins en temps réel et on essaye de les satisfaire".
Le Caire, destination finale
La plupart des réfugiés visent Le Caire comme destination finale de leur exil. Et là-bas aussi, ils peuvent compter sur la solidarité de leurs compatriotes, comme Adam Bakar, originaire du Darfour et arrivé en Égypte il y a plus de dix ans.
"La plupart des gens qui arrivent ont besoin d'un logement. Beaucoup aussi nécessitent des soins et des médicaments. D'autres enfin ont besoin d'un accompagnement psychologique pour les aider à surmonter ce qu'ils ont vu là-bas", raconte-t-il.
Adam Bakar coordonne un groupe d'entraide composé d'environ huitante personnes. Son objectif est de repérer à chaque arrivée d'un nouveau bus quiconque aurait besoin d'aide.
Stéréotypes et racisme
Adam Bakar met en garde contre un rejet qui peut exister de la part des Egyptiens à l'encontre des Soudanais. "Beaucoup de personnes ici pensent que les Soudanais apportent l'insécurité car ils viennent d'une zone en guerre et qu'ils vont créer des problèmes avec les Égyptiens".
Ces stéréotypes virent parfois malheureusement au racisme, poursuit-il. "Par exemple, certains nous appellent chocolat ou se moquent directement de notre couleur de peau. Ils disent aussi qu'on n'est trop et qu'on vient pour voler le pays".
Sur les réseaux sociaux, des hashtags de soutien ont émergé dès les premiers jours du conflit pour appeler les Egyptiens à accueillir avec respect leurs voisins soudanais qui continuent d'arriver régulièrement. Quatre millions d'entre eux vivent déjà en Egypte.
Réfugiés au Tchad aussi
Certains Soudanais ont quant à eux fait le choix de se rendre au Tchad. C'est le cas de Youssouf Abdallah et de sa famille, qui se sont rendus dans le village de Koufroun. "C'est pour chercher la sécurité qu'on vient s'installer ici. Là-bas, c'est le chaos. Les milices sèment la terreur", explique-t-il.
La famille Abdallah n'envisage pas de repartir. Dans les zones de conflit, côté soudanais, plus de 70% des hôpitaux sont détruits. "Pour le moment, pas question de repartir au Soudan. Là-bas c'est le chaos, il n'y a plus d'Etat", explique Youssouf Abdallah.
A Koufroun, l'ONU distribue des vivres et des produits de première nécessité. Au Darfour, les principales villes sont encerclées. Leurs habitants, pris au piège, attendent une accalmie pour prendre la route. Au cours des prochaines semaines, plus de 800'000 Soudanais pourraient fuir les combats.
Sujet radio: Martin Dumas Primbault
Adaptation web: Emilie Délétroz
Quatrième semaine de conflit
Les combats au Soudan opposent depuis le 15 avril les camps du chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane et du patron des redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) Mohamed Hamdane Daglo, qui avaient pourtant mené ensemble un putsch en 2021.
A Khartoum, cinq millions d'habitants vivent pour la quatrième semaine consécutive barricadés chez eux, par peur des balles perdues. Sans eau ni électricité, avec des stocks de nourriture quasiment à sec et de moins en moins d'argent, ils survivent sous une chaleur écrasante grâce à des réseaux de solidarité entre voisins et proches.
Les nombreuses trêves annoncées n'ont été quasiment pas respectées. L'ONG Acled dénombre déjà plus de 750 morts dans le pays et les autorités soudanaises 5000 blessés.
Les combats sanglants au Soudan depuis la mi-avril ont forcé plus de 700'000 personnes à fuir à l'intérieur du pays, deux fois plus qu'il y a une semaine, a affirmé mardi l'ONU.