"Se dit d'un courant de pensée dénonçant toutes les formes d'injustices et de discriminations subies par les minorités ethniques, sexuelles ou religieuses": telle est la définition, dans le dictionnaire Larousse, du mot "woke" ("éveillé" en anglais).
Si le terme a fait son apparition au XIXe siècle dans le cadre de la lutte contre l'esclavage, il s'est popularisé ces dernières années avec le mouvement contre les inégalités raciales "Black Lives Matter".
Dans le langage politique
Le "wokisme" s'invite désormais dans le débat politique. Aux Etats-Unis, les républicains veulent lutter contre le "capitalisme woke"; en France, le Rassemblement national - le parti de Marine Le Pen - dénonce le "poison du wokisme" et, en Suisse, l'UDC a récemment intégré dans son programme la lutte contre la "folie woke". Pourquoi le "wokisme" est-il devenu un thème de campagne?
"Ce qui est reproché au wokisme, parmi d'autres choses, c'est qu'il estime que l'état de la société est fondamentalement catastrophique: que nous vivons dans une culture du viol, qu'il y a un racisme systémique et que nous sommes une patriarchie", analyse Olivier Massin, professeur de philosophie à l'Université de Neuchâtel, mercredi dans La Matinale de la RTS.
Et d'ajouter: "Le conservateur est attaché à ce qui existe. Même s'il pense que les choses ne sont pas parfaites, elles ne vont pas si mal. (...) Pour beaucoup, il y a un étonnement face à la radicalité de cette nouvelle quête de justice sociale et un agacement d'une sorte de moralisme incarné par le wokisme."
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Au-delà des conservateurs
Les motifs de rejet de ce courant de pensée "transcendent très largement" les barrières politiques, selon Olivier Massin. Le professeur observe que la "gauche traditionnelle" ou "à l'ancienne" adresse aussi des griefs au "wokisme", notamment l'oubli des questions sociales. "A force de voir des injustices partout, le risque est d'invisibiliser les vraies injustices", s'inquiète Olivier Massin.
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Le "wokisme" permet toutefois de nous interroger sur notre passé, estime-t-il. Ce rapport devrait être "charitable" et "fier". "On ne construira rien ensemble si notre seule attitude par rapport au passé est de regarder l'histoire en cherchant des traces de racisme, de colonialisme et de sexisme."
Des "impacts très concrets"
Olivier Massin considère que la "controverse intellectuelle" sur le "wokisme" doit avoir lieu. "Certains disent qu'il s'agit d'un fourre-tout qui doit servir de punching ball aux conservateurs. Ce n'est pas mon avis."
Il explique qu'il y a des "impacts très concrets" de ce "débat intellectuel". "On réaménage des cours d'école, on offre des jouets non genrés à des enfants, on interroge l'accessibilité des bloqueurs de puberté à des enfants de 14 ans au nom du wokisme."
Et de poursuivre: "On doit être patient dans le diagnostic de ce qui est en train de se passer. Tout n'est pas à jeter. L'idée qu'il y a des injustices cachées est parfois vraie. Mais le problème est de surgénéraliser cette intuition de départ et d'en faire la clé unique d'explication et de réforme, voire de révolution de la société."
Propos recueillis par David Berger/vajo