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L'armée malienne et des soldats étrangers accusés de possibles crimes contre l'humanité

L'armée malienne et des soldats d'autres pays auraient tué la plupart des victimes d'une opération en 2022 à Moura, selon l'ONU. [Keystone - Armée française via AP]
L'armée malienne et des soldats étrangers accusés de possibles crimes contre l'humanité / Le Journal horaire / 27 sec. / le 12 mai 2023
De "fortes indications" montrent que l'armée malienne et des combattants d'autres pays, "probablement" russes, ont tué près de 500 personnes lors d'une opération en 2022 à Moura, selon l'ONU. Elle parle de possibles "crimes contre l'humanité".

Selon un rapport d'une mission d'établissement des faits du Bureau des droits de l'homme des Nations Unies publié vendredi à Genève, la plupart de ces personnes ont été "sommairement exécutées". Le Haut commissaire Volker Türk se dit "extrêmement inquiet".

"Les exécutions sommaires, les viols et la torture pendant les conflits armés constituent des crimes de guerre", dit-il. Ils "pourraient, selon les circonstances, constituer des crimes contre l'humanité".

L'investigation a été menée pendant des mois par le personnel de l'ONU au Mali auprès de victimes et de témoins et a rassemblé des indications médicales et satellitaires. Les autorités maliennes ont refusé les demandes d'accès au village de Moura, dans le centre du pays.

L'opération militaire a eu lieu pendant cinq jours en mars 2022. Présentée comme un dispositif antiterroriste contre un groupe affilié à Al-Qaïda connu sous le nom de Katiba Macina, elle a démarré alors que le village était très fréquenté ce jour-là.

Militaires russes présumés

Selon des témoins, un hélicoptère militaire a survolé le village en ouvrant le feu sur la population. Plusieurs autres ont atterri et des troupes ont débarqué. Les soldats ont ensuite encerclé les gens dans le centre du village, tirant sur ceux qui tentaient de s'échapper.

Certains militants de la Katiba Macina présents ont riposté. Au moins 20 civils ont été tués ainsi qu'une dizaine de membres présumés du groupe terroriste.

Au cours des jours suivants, au moins 500 personnes au total auraient été sommairement exécutées, selon le rapport. La mission d'établissement des faits a obtenu les noms de près de la moitié de ces victimes.

Des témoins ont rapporté avoir vu des "hommes blancs armés" parlant une langue inconnue aux côtés des forces maliennes et semblant parfois piloter les opérations. Les troupes maliennes entraient et sortaient quotidiennement de Moura, mais le personnel étranger y est resté pendant les cinq jours.

Le rapport n'identifie pas explicitement qui sont ces ressortissants d'autres pays. Mais il rappelle l'aide apportée par le groupe russe Wagner aux autorités. "Nous ne sommes pas sûrs à 100% que ce sont des Russes, mais c'est probable", a dit à la presse un porte-parole du Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme. De leur côté, plusieurs sources citées par l'ONG Human Rights Watch avaient parlé en avril 2022 de ressortissants russes.

>> Relire : Des crimes attribués au groupe russe Wagner au Mali documentés

Torture en détention

Le second jour, les soldats ont commencé à aller de maison en maison à la recherche de "terroristes présumés". Ils ont exécuté sommairement les personnes portant une longue barbe, celles qui portaient un pantalon qui n'arrive pas à la cheville ou encore qui avaient des marques sur les épaules interprétées comme le signe qu'elles portaient habituellement des armes.

Des témoins ont indiqué que les corps d'un groupe d'hommes avaient été jetés dans une fosse. Ceux qui ont résisté ou tenté de fuir ont également été exécutés par les forces armées maliennes et les "hommes blancs armés".

De plus, au moins 58 femmes et filles ont été violées ou victimes de violences sexuelles. Des dizaines d'autres personnes ont été arrêtées. Certaines ont été soumises à la torture et à d'autres abus à Moura, Sévaré ou Bamako.

Les autorités maliennes avaient annoncé une investigation. Mais plus d'un an plus tard, elles n'ont toujours pas dévoilé les conclusions de celle-ci.

Elles continuent de nier tout acte répréhensible de l'armée. Elles doivent garantir que les militaires, y compris ceux d'autres pays sous leur contrôle, honorent le droit international humanitaire et les droits humains, affirme le Haut commissaire.

ats/edel

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