Publié

L'armée suspend les négociations pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire au Soudan

Des Soudanais dans un camp de réfugiés au sud du pays. [WFP via AP / keystone - Peter Louis]
L'armée suspend les négociations sur une trêve au Soudan / Le Journal horaire / 20 sec. / le 31 mai 2023
L'armée a suspendu mercredi les négociations menées sous l'égide des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire au Soudan, menacé de famine, accusant les paramilitaires de ne pas respecter la trêve.

L'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, en guerre depuis le 15 avril, se sont engagés à plusieurs trêves dont la dernière a été prolongée lundi pour cinq jours. Mais les combats, qui ont déjà fait plus de 1800 morts, selon l'ONG ACLED, n'ont jamais cessé. Mercredi encore, des habitants ont fait état d'intenses tirs d'artillerie lourde dans le nord de Khartoum.

"Il y a des tirs d'artillerie lourde depuis les bases de l'armée à Omdourman", une banlieue de la capitale, "en direction de Khartoum-Nord", a raconté un habitant.

Quelques heures plus tôt, l'armée avait "suspendu sa participation aux négociations" en Arabie saoudite, selon un responsable gouvernemental soudanais.

L'armée, représentée à Jeddah par des figures connues pour leur ligne dure à l'encontre des FSR, a pris cette décision "parce que les rebelles n'ont jamais appliqué un des points de l'accord de trêve temporaire qui prévoit leur retrait des hôpitaux et des maisons", a-t-il expliqué.

Hôpitaux fermés

Depuis le début de la guerre, le syndicat des médecins dénonce l'occupation de plusieurs hôpitaux par des belligérants. Mercredi, le ministère de la Santé a annoncé la fermeture de neuf hôpitaux d'al-Jazira, l'Etat qui borde Khartoum au sud et accueille des dizaines de milliers de familles déplacées, "à cause de la présence des FSR autour qui menace les soignants et l'approvisionnement des établissements".

Les trois quarts des hôpitaux dans les zones de combat sont hors d'usage, selon le syndicat. Les autres doivent composer avec des réserves quasiment vides et des générateurs à l'arrêt faute de carburant.

A Khartoum, de nombreux habitants racontent avoir été chassés de leur maison par des combattants des FSR. Ou avoir appris par leurs voisins, après avoir fui, que des paramilitaires s'y étaient installés pour y vivre ou en faire un poste de combat.

>> Ecouter aussi le reportage au Soudan dans Tout un monde :

Au Soudan, les combats font rage et les appels aux armes se multiplient. [AP Photo - Marwan Ali]AP Photo - Marwan Ali
Reportage auprès des réfugiés soudanais au Tchad / Tout un monde / 5 min. / le 31 mai 2023

Déclin de la situation

Déjà avant la guerre, un Soudanais sur trois souffrait de la faim, les longues coupures d'électricité étaient quotidiennes et le système de santé au bord de l'écroulement. Mais toujours aucun couloir n'a été dégagé pour permettre le passage de l'aide humanitaire, dont ont désormais besoin 25 des 45 millions de Soudanais selon l'ONU. Les rares cargaisons qui ont pu être acheminées ne couvrent en rien les immenses besoins.

Au total, plus d'un million et demi de personnes, principalement des Soudanais mais aussi des réfugiés au Soudan, ont été forcées de fuir. Plus d'un million sont encore dans le pays, mais 350'000 autres ont rejoint les pays voisins. La moitié sont arrivées en Egypte, en pleine crise économique, les autres au Tchad, au Soudan du Sud, en Centrafrique ou en Ethiopie.

Malgré l'urgence humanitaire - le pays est au bord de la famine selon l'ONU et la saison des pluies approche avec sa cohorte d'épidémies - les combats continuent. Le général Burhane a appelé mardi ses troupes à "se battre jusqu'à la victoire".

Médiateurs saoudiens et américains

Les médiateurs américains et saoudiens jouent le jeu de la diplomatie, se gardant de sanctionner les violences. "Ils misent sur le fait qu'en continuant de faire discuter les deux parties, ils augmentent les chances d'obtenir des engagements qui seront finalement mieux respectés", explique le spécialiste du Soudan Aly Verjee, chercheur à l'université suédoise de Göteborg.

Les combats sont les plus violents au Darfour, une région frontalière du Tchad, dont certaines zones sont totalement coupées du monde, sans électricité ni téléphone. Là, de nouveaux appels à armer les civils font redouter une "guerre civile totale", selon les Forces de la liberté et du changement (FLC), le bloc civil évincé du pouvoir lors du putsch mené en 2021 par les deux généraux alors alliés.

Aujourd'hui, les partisans de la dictature islamo-militaire d'Omar el-Béchir, déchu en 2019, reviennent en force, assurent les experts, en pesant de tout leur poids derrière l'armée et le général Burhane.

afp/juma

Publié

Cette suspension ne doit pas "décourager" les médiations, selon l'UA

La suspension des discussions en Arabie Saoudite entre belligérants de la crise au Soudan ne doit pas "décourager" les efforts de médiation, a estimé mercredi l'Union africaine (UA), qui entend proposer prochainement un dialogue politique élargi à l'ensemble de la société soudanaise. "Dans des négociations difficiles, c'est un phénomène très classique, qu'une partie suspende, menace de suspendre" sa participation, a déclaré Mohamed El Hacen Lebatt, chef de cabinet du président de la Commission de l'UA et porte-parole sur la crise soudanaise.

"Mais cela ne devrait absolument pas décourager les médiateurs (...), les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, que nous soutenons très fortement, de poursuivre leurs efforts", a-t-il poursuivi, à l'issue de la troisième réunion du "mécanisme élargi" sur la crise au Soudan, réunissant notamment UA, ONU, Igad (organisation régionale d'Afrique de l'Est), Ligue arabe, Union européenne et les pays voisins du Soudan.