En Russie, depuis le début de l'offensive en Ukraine, des milliers d'anonymes ont affaire à la justice. Ces Russes sont les victimes de lois apparues il y a un peu plus d'un an, qui interdisent toute critique de la guerre.
Ces dernières années, devant la mairie de Lobnia, à une vingtaine de kilomètres de Moscou, Anatoly Roshin, 75 ans, n'a cessé de protester, seul, contre Vladimir Poutine.
Sur les réseaux sociaux, le retraité s'est opposé publiquement à la guerre. Il risque désormais de passer plusieurs années en prison.
En mars dernier, les forces de l'ordre ont perquisitionné son appartement, "quand j'ai ouvert, le couloir était rempli, il y avait un officier, un membre du FSB et quatre policiers", témoigne le retraité jeudi dans La Matinale de la RTS.
Ils ont pris une pancarte, pour laquelle j'avais déjà été arrêté il y a trois ans, raconte-t-il encore. Mais ils n'ont pas trouvé la quinzaine d'autres que j'avais cachées sous un meuble.
Accusé d'avoir discrédité l'armée russe
Mais ce n'est pas pour cette pancarte qu'il risque jusqu'à 15 ans de prison. Les autorités l'accusent d'avoir discrédité l'armée russe sur internet. Sur trois publications, il a qualifié la Russie d'Etat fasciste, il a parlé de la guerre comme d'une agression et a conclu un de ses messages par "vive l'Ukraine, honte aux agresseurs".
En quel honneur, devrais-je pardonner à Poutine de tuer mes proches?
Anatoly Roshin a des racines ukrainiennes, le sujet est donc sensible pour lui. "En quel honneur devrais-je pardonner à Poutine de tuer mes proches?", s'exclame-t-il.
A cause de la guerre, son activisme, pourtant bien connu des autorités locales, n'est plus toléré. Le 6 juin 2023, Anatoly Roshin comparaîtra devant la justice. Il se prépare déjà à passer ces prochaines années en prison.
En visioconférence d'une colonie pénitentiaire
De leur côté, Lioudmila Razoumova et Alexandre Martinov, 56 et 64 ans, ont été condamnés respectivement à 6 ans et demi et sept ans de colonie pénitentiaire en mars dernier.
Les autorités leur reprochent des "faux" et du "vandalisme", suite à une échappée militante entre amoureux. Révoltés contre la guerre, ils sont allés taguer dans les villages alentour, "Poutine = Hitler".
Lors d'une nouvelle audience du tribunal, Lioudmila Razoumova s'exprime depuis sa colonie, via visioconférence. Elle est en larmes, elle répète qu'elle ne comprend pas pourquoi elle est derrière les barreaux: "pour moi le plus important c'est qu'une personne qui vit dans un pays libre doit pouvoir exprimer ses opinions librement".
Un son strident l'empêche d'entendre la décision de la cour, qui a finalement confirmé sa peine.
20'000 Russes sont sous enquête pour ce type de faits
Le cas de ce couple originaire de Tver, à 150 kilomètres au nord de Moscou, serait passé inaperçu si des activistes locaux ne l'avaient pas signalé aux ONG. Lilia Manirina, membre du parti d'opposition Iabloko, a assisté à l'audience, ce qui relève, déjà, selon elle, d'une forme d'activisme.
Mais à part écrire des lettres et se rendre à ces audiences, elle ne sait pas comment aider.
La militante se sent oppressée dans son pays: "je me sens vraiment mal, les manifestations me manquent, je suis comme une personne morte. Je ne peux pas m'exprimer librement, je suis comme dans ma propre prison en permanence".
D'après l'ONG OVD Info, près de 20'000 Russes ont eu des problèmes avec la justice après avoir critiqué la guerre, depuis février 2022. Dans les tribunaux russes, chaque semaine, environ 80 audiences concernent cette question.
Sujet radio: Paul Gogo
Adaptation web: Miroslav Mares