Promulguée à la suite des manifestations de 2019, la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong a été élaborée pour contrer les revendications du mouvement pro-démocratique. Elle permet de réprimer toute parole ou action critique à l'égard du pouvoir. Les peines peuvent aller jusqu'à la perpétuité. Lors de son entrée en vigueur le 1er juillet 2020, plus de 300 personnes ont été arrêtées selon Amnesty International.
"La Chine considère les événements de Hong Kong comme une tentative de l'Occident d'infiltrer ses rangs pour l’affaiblir et contenir sa montée en puissance. Tout est le résultat d’une manipulation par l'Occident. C’est évidemment insensé, mais c'est leur point de vue et donc bien sûr, les manifestants arrêtés et les militants pour la démocratie sont vus comme dangereux par le gouvernement chinois.", confie Tobias Brandner, un aumônier suisse basé à Hong Kong, au micro du correspondant de la RTS sur place Michael Peuker.
Des prisons sous tension
Il y a encore quelques mois, ce professeur en théologie et aumônier des prisons se rendait régulièrement à la prison de Stanley, placée sous sécurité maximale. Mais depuis l'arrivée massive des prisonniers politiques, l'atmosphère du pénitencier est devenue tendue. "Les autorités carcérales m’ont soudainement annoncé que je devais être accompagné par un gardien lors de toutes mes entrevues. Ce dernier était chargé d’écouter toutes les conversations." Ne pouvant plus échanger librement avec ces détenus, Tobias Brandner a décidé de suspendre ses visites.
Selon lui, les prisonniers politiques sont perçus comme plus dangereux que les tueurs, les membres de triades ou les trafiquants de drogue.
Des journalistes sous contrôle
"Après 2022, les voix d'oppositions ont presque toutes disparues. Avec la loi sur la sécurité nationale, il n'y a presque plus personne qui ose se dresser contre le gouvernement", déclare Lam Yin-Pong, un ancien journaliste de Stand News. Ce groupe de presse a été contraint de cesser ses activités après un gel de ses avoirs par les autorités en 2021. Ses anciens responsables sont jugés pour avoir publié des éditoriaux remettant en cause le gouvernement et appelant à des sanctions internationales à son encontre.
Pour éviter d'être inquiétés, plusieurs journalistes hongkongais se sont reconvertis ou ont fui à l'étranger précise Lam Yin-Pong. Ce dernier refuse d’envisager la fuite. Il vient au contraire de fonder son propre journal, acceptant de se mettre en danger: "Je sais que je vais être arrêté un jour, mais je ne sais pas quand. J'essaie de tester les limites, parce que personne ne sait vraiment où se situe la ligne rouge".
Un parlement nettoyé de ses opposants
Doyen du parlement et président du parti libéral local, Tommy Cheung salue pour sa part la reprise en main du territoire par Pékin: "Un mouvement qui ne respecte pas les règles, provoque des incendies et qui jette des bombes ne peut plus être considéré comme démocratique, c’est une rébellion", tonne-t-il au micro de la RTS.
Dans le sillage de l’imposition de la loi sur la sécurité nationale, le parlement hongkongais a lui aussi fait l'objet d'une intervention des autorités chinoises. Une commission est désormais chargée de filtrer toutes les candidatures avant un scrutin électoral. Seuls les individus considérés comme des patriotes peuvent se présenter. "On ne pouvait rien faire. Ils sautaient dans tous les sens, bloquaient les procédures, et occupaient l'hémicycle. A présent, tout est revenu dans l'ordre", se félicite Tommy Cheung, satisfait de l’éviction du camp pro-démocratie. Ce législateur proche du milieu des affaires est persuadé que le soutien accru de la Chine et de Xi Jinping offrira des opportunités à Hong-Kong.
Une répression efficace
"D'un côté, la vie post-covid reprend son cours à Hong Kong: les gens sortent au restaurant et s'amusent. Mais d'un autre côté, tout le monde subit la pression du gouvernement. L'atmosphère est bizarre, contradictoire. Il y a la phase claire et la phase sombre", confie Léo, un hongkongais de 30 ans. Ce jeune infirmier a été arrêté et inculpé en septembre 2019 après avoir participé à une manifestation pro-démocratie.
Dans l'attente de son jugement, il sait qu'il risque au minimum 3 ans et demi de prison ferme. Une peine qui le fait réfléchir: "En me faisant arrêter, j'ai déjà sacrifié beaucoup pour Hong Kong et j'ai gravement mis en péril l'avenir de ma famille. Une fois libéré, ma priorité sera de reconstruire ma vie et ma carrière professionnelle. Je ferai profil bas. Je ne saurais dire dans quelle mesure je poursuivrai ou non mon activisme politique."
Sujets radio : Michael Peuker
Adaptation web : Léa Bucher
Le massacre de la place Tian'anmen
Entre le 15 avril et le 4 juin 1989, des pans entiers de la société chinoise descendent dans la rue: étudiants, intellectuels, ouvriers manifestent sur la place Tian'anmen à Pékin pour dénoncer la corruption et demander des réformes politiques et démocratiques. Il s'agit de l'événement politique le plus important de l'après-révolution culturelle.
Parti des grandes villes du pays, le mouvement aboutit dans la capitale chinoise, où une série de grandes manifestations et de grèves de la faim sont organisées sur la place Tian'anmen. Après plusieurs tentatives de négociation, le gouvernement chinois instaure la loi martiale le 20 mai 1989 et fait intervenir l'armée le 4 juin 1989.
La répression fait de nombreuses victimes. A ce jour aucun bilan officiel n’a jamais été articulé. Les autorités chinoises avancent le chiffre de 300 morts environ. Il y en aurait eu plus de 10'000, selon l'Union Soviétique, l'Angleterre et les Etats-Unis. La Croix-Rouge chinoise évoque pour sa part 2700 décès, un chiffre qui correspond à l’estimation de l’ambassadeur de Suisse de l’époque.
Des milliers de personnes sont également arrêtées durant les mois qui suivent l'intervention de l'armée, notamment des dirigeants politiques favorables au mouvement de contestation. Les journalistes étrangers sont expulsés et la couverture médiatique de l'événement passe sous le contrôle du gouvernement chinois.
En Chine, où sa commémoration est interdite et son évocation tabou, cet événement est connu sous le nom de "mouvement du 4 juin" ou "6-4". Dans le reste du monde, il est connu comme le "massacre de la place Tian'anmen".