Les tensions persistent au nord du Kosovo et font craindre une aggravation de la crise
A Mitrovica, une frontière tacite sépare le sud et le nord de la ville, entre Albanais et Serbes. Au nord, des enseignes en cyrillique et des drapeaux serbes aux fenêtres sont visibles. Certains habitants du sud de Mitrovica n'osent pas s'aventurer trop loin dans l'autre partie de la ville. "Etant donné que mes plaques d'immatriculation sont de Pristina, c'est dangereux", estime Mehmet, au micro de la RTS.
A Zvečan, une petite ville au nord de Mitrovica, la mairie est barricadée depuis les heurts entre les habitantes et habitants et les soldats de la force d'interposition de l'Otan (KFOR). Des blindés stationnent devant le bâtiment et, en face, des centaines de personnes font blocus pour empêcher le nouveau maire albanais de prendre ses fonctions. L'homme a été élu car les Serbes ont boycotté l'élection.
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Tensions permanentes entre KFOR et Serbes
Au-dessus des barbelés, le politicien serbe Igor Simić, dont le parti Liste serbe pour le Kosovo est considéré comme une extension de Belgrade au Kosovo, supplie un officier américain de la KFOR de protéger les habitantes et habitants serbes. "Votre obligation est de protéger la paix", dit-il.
Le visage fermé, le commandant dénonce de son côté des agressions contre son unité, qu'il attribue aux Serbes. "Certains soldats ont été blessés par des coups de feu", affirme-t-il.
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"Les Serbes sont devant les municipalités où les forces de police albanaises sont entrées par la force la semaine dernière. Nous demandons juste qu'ils quittent le bâtiment, parce qu'il appartient à nos citoyens et sert à offrir des services, non pas comme base de la police militaire", relate Igor Simić.
"Malheureusement, il y a des provocations quasiment tous les jours par la police du Kosovo. Aux carrefours de cette commune, ils arrêtent les gens et les torturent parce qu'ils ont des drapeaux serbes sur leur voiture ou leur t-shirt", dénonce encore le politicien.
Des relations détériorées par la police
Le refus des maires albanophones imposés traduit aussi pour certains un refus du Kosovo indépendant. "C'est un Etat autoproclamé de leur point de vue, mais du nôtre, ce n'est certainement pas un Etat. C'est la raison pour laquelle il y a des confrontations permanentes", juge Peter, un natif de Zvečan. Pour lui, tout le Kosovo appartient à la Serbie.
Miodrag Milićević, directeur de l'ONG Aktiv Mitrovica qui travaille à réconcilier les communautés, est, lui, plus modéré. Il dénonce durement l'action du Premier ministre kosovar Albin Kurti.
"Il affirmait dans le programme de son parti et pendant sa campagne électorale qu'il voulait établir un dialogue avec les Serbes du Kosovo. Mais dans les faits, il a déployé une imposante force spéciale policière dans le nord du pays, ce qui a totalement abîmé les relations avec cette population", analyse le responsable."On ne peut pas s'empêcher de se demander pourquoi il n'y a pas déployé des émissaires politiques à la place des forces spéciales de la police."
Des craintes identitaires
Izmir Zeqiri, l'un des quatre maires albanophones fortement contestés, ne peut accéder à la commune de Zubin Potok qu'il est censé diriger. Elu par à peine 3% des électrices et électeurs, il travaille depuis un village albanais voisin.
"La police n'aurait pas dû en arriver à se poster dans les mairies, mais les gangs criminels qui veulent combattre l'Etat de droit dans notre République sont un problème. Ils n'ont pas de soutien réel dans la population civile locale mais sont devenus forts parce qu'ils font de la contrebande criminelle. Ils sont riches et puissants, et ils ont les moyens de payer les gens pour les soutenir", affirme le maire.
Ce discours résonne avec les craintes générales de nombreux Kosovars.
De son côté, Mehmet redoute les intentions du président de la Serbie voisine Aleksandar Vučić. "Après le nord, il va faire des enclaves dans le sud du Kosovo et les forces serbes vont entrer dans le pays. Il souhaite que le Kosovo n'existe plus", déplore Mehmet.
Au Kosovo, chaque communauté soupçonne l'autre de vouloir effacer son identité.
Alexandre Habay/iar