"La loi de la jungle, c'est fini", a insisté le député socialiste Arthur Delaporte. Le texte "protégera les consommateurs, notamment les plus jeunes", promet Stéphane Vojetta, député apparenté au parti présidentiel Renaissance.
Après l'Assemblée nationale mercredi, c'est une nouvelle unanimité jeudi de 342 sénateurs de tous bords politiques qui a marqué l'adoption du texte au Sénat, la chambre haute du Parlement. Les agissements d'une partie des 150'000 influenceurs français les ont placés sous le feu des critiques. Des plaignants ont lancé des actions collectives et une étude accablante a été publiée par la répression des fraudes. Le rappeur Booba a également joué un rôle de caisse de résonance par ses offensives sur les réseaux sociaux.
Des entreprises comme Meta (Facebook, Instagram) ont supprimé une série de comptes influents, dont ceux du couple Blata, visé par une action collective pour une vaste arnaque présumée.
Le texte propose de définir légalement les influenceurs. Il prohibe aussi la promotion de certaines pratiques comme la chirurgie esthétique et interdit ou encadre fortement la promotion de plusieurs dispositifs médicaux.
Paris sportifs aussi pointés du doigt
Il s'attaque également aux paris sportifs et aux jeux de hasard: les influenceurs ne pourront plus faire la promotion d'abonnements à des pronostics sportifs, et la promotion de jeux de hasard et d'argent sera cantonnée aux plateformes qui permettent techniquement d'interdire l'accès à la vidéo aux mineurs.
L'exécutif a ainsi contraint l'influenceurs Illan Castronovo (suivi par 2,2 millions d'abonnés) à afficher sur ses réseaux sociaux un message rédigé par la Répression des fraudes. Le message sur sa page dit: cet influenceur "affirme d'un service de conseil en paris sportifs qu'il augmente les chances de gagner aux jeux d'argent et de hasard... Ce sont des pratiques commerciales trompeuses".
"Je reconnais et j'assume mes erreurs", a réagi Illan Castronovo dans une story publiée sur Instagram. Mais "je ne fais pas partie des 'influvoleurs', je n'ai pas pris d'amende et (...) ça fait un peu plus de deux ans que je ne fais quasiment plus de placement de produit", continue-t-il.
Prison et amende
Les peines prévues en cas de manquement iront jusqu'à deux ans de prison et 300'000 euros d'amende.
La proposition de loi interdit aussi les mises en scène avec des animaux dont la détention est prohibée. En outre, lorsque des images de promotion, pour des cosmétiques par exemple, sont retouchées via un filtre pour les rendre plus attrayantes, il devra en être fait mention.
Alors que beaucoup d'influenceurs français à succès opèrent depuis l'étranger, comme à Dubaï, le texte veut imposer à ceux qui exercent depuis l'extérieur de l'Union européenne, la Suisse ou l'espace économique européen de souscrire une assurance civile dans l'Union. Le but affiché est de créer un pactole pour indemniser des victimes potentielles. Ils devront également désigner un représentant légal dans l'UE.
juma avec tj et afp
Un encadrement "inévitable"
Dans son agence de marketing, Olivier Kennedy travaille avec des influenceurs au quotidien. Il affirme dans le 19h30 de vendredi que cette étape était inévitable. "C'était quelque chose qui devait arriver un jour ou l'autre. Je suis impressionné par la qualité avec laquelle c'est fait. Ça permet de quitter le monde du Far West en plaçant des règles claires qui sont possibles à suivre".
Pour lui, ces remises à l'ordre feront date. "Ça va modifier le métier et le rendre encore plus professionnel. C'est bien pour la branche, pour ceux qui consomment le contenu des influenceurs et aussi pour les marques car ça leur permettra de travailler avec un cadre légal."