Le 17 février 2008, le Kosovo a proclamé son indépendance, de façon unilatérale. La Serbie, à laquelle il était rattaché, n’a jamais cessé de s’y opposer, même si ce pays compte plus de 90% d’Albanais du Kosovo majoritairement musulmans et environ 5% de Serbes du Kosovo très largement orthodoxes. Parmi ses arguments, les autorités serbes mentionnent le patrimoine religieux orthodoxe qui se trouve dans ce petit pays.
Inscrits au patrimoine de l’Unesco
Au Kosovo, quatre édifices de l’Eglise orthodoxe serbe sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, depuis les années 2000. Ils ont été construits entre le XIIe et le XIVe siècle, alors que cette région était dirigée par la dynastie serbe des Nemanjić. Parmi eux, se trouve le monastère patriarcal de Pec qui est considéré par l’Eglise orthodoxe serbe comme son siège historique.
Ces lieux ont une grande valeur pour les orthodoxes des Balkans. De nombreux pèlerins de Serbie, du Monténégro ou encore de Macédoine du Nord viennent s’y recueillir.
Des pèlerinages au Kosovo
"Quand j’entre dans un de ces monastères, j’ai le sentiment d’être à la maison. Je me sens enfin moi-même", décrit Aleksandar Antić. Cet habitant de Belgrade se rend régulièrement au Kosovo, dans les monastères orthodoxes.
"Dans l’orthodoxie, il y a un attachement fort à ces lieux sacrés. Il est fréquent pour des personnes qui habitent en Serbie de venir faire baptiser leurs enfants au Kosovo", explique Jean-Arnault Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans. "Ce qui ne signifie pas pour autant que le monastère doit faire partie d’un territoire administré par la Serbie".
Un patrimoine commun
"Ces monastères représentaient un lieu sacré pour toute la population kosovare", explique Sali Shoshi, le directeur du bureau kosovar de l’ONG Cultural heritage without borders (patrimoine culturel sans frontières).
Cet Albanais du Kosovo raconte qu’enfant, indépendamment du fait d’être musulman, il se rendait régulièrement au monastère orthodoxe serbe de Visiko Dečani. "Mais avec l’arrivée de Slobodan Milošević au pouvoir, les portes des monastères nous ont été fermées à partir de 1989", regrette cet habitant de Pristina.
Une instrumentalisation politique des monastères
"Le monastère devient le symbole d’une prétention politique, ce qu’il n’est pas forcément. Cette confusion entre le domaine spirituel et le domaine politico-national ronge les Balkans", explique Jean-Arnault Dérens.
Et d’ajouter: "Si l’Eglise orthodoxe serbe a une part de responsabilité, il y a évidemment certains de ses représentants qui s’y sont toujours opposés. Néanmoins les religions ont, de tout temps, été manipulées par les fauteurs de guerre".
Des lieux de réconciliation
Pour Sali Shoshi, il s’agit d’un patrimoine commun qui s’inscrit pleinement dans l’histoire et l’identité du Kosovo, au même titre que les vestiges de l’époque romaine, les mosquées de la période ottomane ou encore l’architecture socialiste. "Les exemples dans le monde ont montré que le patrimoine pouvait servir de pont et permettait de renforcer les liens entre les communautés".
Depuis la fin des années 2000, les monastères orthodoxes serbes sont à nouveau ouverts à tous. Pourtant, la politisation, malgré eux, de ces lieux rend le processus de réconciliation délicat.
Laurence Villoz, RTS religion