La réforme prévoit un système de solidarité entre Etats membres dans la prise en charge des réfugiés et un examen accéléré des demandes d'asile de certains migrants aux frontières. Ce feu vert ouvre la voie à des pourparlers avec le Parlement européen, en vue d'une adoption de la réforme avant les élections européennes de juin 2024.
C'est une "étape historique", a déclaré au terme de la rencontre, à laquelle elle assistait, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider. Un accord était nécessaire de toute urgence, a-t-elle précisé. Le compromis crée la confiance, a déclaré la conseillère fédérale devant les journalistes. En effet, le système Dublin, auquel la Suisse participe, n'aurait pas résisté longtemps à la situation actuelle, selon Elisabeth Baume-Schneider.
La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson s'est réjouie d'une "étape très importante" pour le Pacte sur l'asile et la migration présenté en septembre 2020. La présidente du Parlement européen Roberta Metsola a, elle, salué une "percée", soulignant que son institution était prête à commencer les pourparlers.
La Pologne et la Hongrie ont voté contre ces propositions, tandis que la Bulgarie, Malte, la Lituanie et la Slovaquie se sont abstenues, a-t-on appris auprès de la présidence suédoise du Conseil de l'UE, qui a mené les longues et complexes négociations.
Appel au compromis
Un peu plus tôt, une dizaine d'Etats membres, dont l'Italie et la Grèce, avaient exprimé leur opposition ou leurs réserves sur les propositions sur la table. Un nouveau texte de compromis a alors dû être élaboré, afin de satisfaire le plus grand nombre, et notamment les pays méditerranéens, qui sont ceux par lesquels les migrants entrent dans l'UE.
L'Italie réclamait que les migrants déboutés du droit d'asile puissent être renvoyés vers des pays "sûrs" par lesquels ils ont transité, même s'il n'y a pas de lien particulier entre le migrant et ce pays. Une idée qui rencontrait l'hostilité de l'Allemagne.
En visite à Rome où il a vu la cheffe de gouvernement italienne Giorgia Meloni, le chancelier allemand Olaf Scholz a souligné jeudi que les pays de l'UE devaient relever le défi migratoire "ensemble" et ne pas "laisser seuls" les pays méditerranéens.
La question de la réforme du système d'asile est revenue en haut de l'agenda, avec une hausse des arrivées de migrants dans l'Union depuis la fin de la pandémie et alors que quelque quatre millions d'Ukrainiens sont réfugiés dans l'UE.
Accueillir ou payer
La tendance est à une politique migratoire de plus en plus restrictive, dans un contexte où l'extrême droite a engrangé récemment des succès électoraux dans plusieurs pays membres.
L'un des textes agréés par les ministres prévoit une solidarité obligatoire mais "flexible" au sein de l'UE dans la prise en charge des demandeurs d'asile. Les Etats membres seraient tenus d'accueillir un certain nombre de ces demandeurs arrivés dans un pays de l'UE soumis à une pression migratoire, ou à défaut d'apporter une contribution financière à ce pays.
La compensation financière serait de l'ordre de 20'000 euros (près de 20'000 francs) pour chaque demandeur d'asile non relocalisé.
Une tentative de trouver un équilibre entre les pays méditerranéens de première arrivée, qui souhaiteraient des relocalisations automatiques vers d'autres pays, et ceux comme la Hongrie ou la Pologne qui refusent de se voir imposer des demandeurs d'asile.
Berne a de son côté assuré ses partenaires européens de son intention de se montrer solidaire avec les autres Etats Dublin, comme elle le fait depuis plusieurs années. La ministre Elisabeth Baume-Schneider a insisté sur la nécessité de veiller dans tous les cas au respect de l'Etat de droit, des droits humains et des garanties procédurales.
Faciliter les renvois
L'autre texte endossé par les ministres contraint les Etats membres à mettre en oeuvre une procédure accélérée d'examen, dans des centres situés aux frontières, pour les demandes d'asile ayant statistiquement le moins de chances d'aboutir au statut de réfugié. L'objectif est de faciliter le renvoi de ces migrants vers leur pays d'origine ou de transit.
La ministre allemande avait réclamé que "les familles avec des enfants en bas âge ne soient pas soumises à la procédure frontalière".
Le ministre français Gérald Darmanin, qui a dû quitter précipitamment la réunion dans la matinée après une attaque au couteau à Annecy, avait avant de partir fait part de son "esprit de compromis" concernant les propositions. "Tout cela n'est pas parfait mais c'est en faisant ce compromis que nous arriverons à être plus efficaces et surtout à faire vivre l'Union européenne", a-t-il déclaré.
Réforme saluée par Elisabeth Baume-Schneider
Interviewée dans le 19h30 de la RTS vendredi soir, Elisabeth Baume-Schneider a salué une "réforme qui rend le système plus stable et qui accroit la confiance entre les différents pays". La conseillère fédérale a également souligné l'importance du principe de "solidarité pour la répartition et la relocalisation des personnes" ayant "droit à la protection".
Malgré une crispation au Parlement, la Cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) a fait valoir la "question de la coresponsabilité entre la Confédération, les cantons, les villes et les communes" avec des mesures anticipées pour éviter "une surcharge possible" et "une densification trop importante des populations accueillies". Elle espère désormais que la Chambre haute acceptera ce compromis.
Par le passé, la Suisse avait déjà participé au mécanisme de solidarité, qui n'est pas obligatoire pour elle, avait précisé la conseillère fédérale jeudi devant les journalistes.
ats/iar/mera
Effets sur la Suisse
Ces développements européens auront aussi des effets pour la Suisse en tant qu'Etat associé. Un mécanisme de solidarité doit être introduit afin de décharger les Etats aux frontières extérieures de l'espace Schengen, tandis que le règlement Dublin en vigueur sera remplacé par un règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration, a écrit jeudi soir le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans un communiqué.
Outre des adaptations des règles relatives à la détermination de l'Etat responsable, le compromis adopté prévoit que les autres Etats devront fournir un soutien - financier ou en personnel - aux Etats situés aux frontières extérieures de Schengen ou en prenant en charge des requérants d'asile.
Parallèlement, des procédures d'asile rapides doivent être instaurées dans les pays de premier accueil. La proposition de règlement sur les procédures d'asile prévoit en effet l'introduction de procédures à la frontière pour traiter rapidement les demandes d'asile ayant peu de chances d'aboutir. Une procédure de retour sera immédiatement engagée pour les personnes déboutées à la frontière, dans le but d'éviter une migration secondaire irrégulière dans l'espace Schengen.
Principe de solidarité
Cette décision des 27 permet aussi de franchir un cap dans les discussions sur la réforme du système européen de l'asile et de la migration, qui ont débuté en 2016. Le principe d'un mécanisme de solidarité sera inscrit pour la première fois dans les textes juridiques, relève le DFJP. Jusqu'à présent, les Etats Schengen ne s'étaient jamais prononcés qu'au cas par cas pour soutenir les Etats aux frontières extérieures.
Le principe de solidarité, prévu dans la proposition de règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration, et la proposition de règlement sur les procédures d'asile ne sont pas des développements de l'acquis de Schengen et Dublin. La Suisse ne sera donc pas tenue de les reprendre dans son droit national. Elle n'en soutient pas moins l'idée de procédures accélérées, dont elle a elle-même l'expérience.