"L'administration corrompue de Biden a informé mes avocats que j'ai été inculpé, vraisemblablement dans la fausse affaire des boîtes", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social en référence aux cartons de documents qu'il a emportés avec lui en quittant Washington.
Le milliardaire, dont le domicile de Floride avait été perquisitionné l'été dernier par des agents du FBI à la recherche de ces dossiers, a fait savoir qu'il était convoqué mardi devant un tribunal fédéral à Miami.
Son avocat Jim Trusty a précisé sur la chaîne CNN que son client se rendrait à cette convocation et qu'il faisait l'objet de sept chefs d'inculpation, notamment en vertu d'une loi sur l'espionnage qui interdit de garder des documents classifiés dans des endroits non autorisés et non sécurisés.
Déjà inculpé
Donald Trump, qui est désormais le premier ancien président de l'Histoire des Etats-Unis inculpé par la justice fédérale, est également poursuivi pour entrave à la justice et faux témoignage, a-t-il ajouté.
En mars, il avait déjà été inculpé pour plusieurs fraudes comptables par la justice de l'Etat de New York en lien avec un paiement réalisé avant la présidentielle de 2016 pour faire taire une actrice de films X, qui dit avoir été sa maîtresse.
L'ancien magnat de l'immobilier, qui devance pour l'instant largement les autres candidats à l'investiture républicaine, s'est toujours défendu de toute malversation et se présente comme victime d'une "persécution politique". "Je suis innocent, je n'ai rien fait de mal", a-t-il encore assuré jeudi soir dans une vidéo mise en ligne sur Twitter, en dénonçant "de l'ingérence électorale au plus haut niveau".
Les républicains derrière Trump
Les élus républicains ont immédiatement serré les rangs autour de lui. "Je me tiens, comme tous les Américains qui croient en l'Etat de droit, aux côtés du président Trump", a réagi le chef de la Chambre des représentants Kevin McCarthy. "C'est un triste jour pour l'Amérique", a ajouté Jim Jordan, qui dirige sa commission judiciaire.
Selon Eric Lisann, ancien procureur fédéral et enseignant à HEC Paris, "les autres candidats, sauf une petite exception, ont la même base électorale que Donald Trump". C'est pourquoi, selon lui, "ils ne peuvent pas dire que Trump n'est pas un bon candidat, mais doivent attaquer les procureurs, le FBI, etc.".
Sans être aussi catégorique, le milliardaire Elon Musk, de plus en plus présent dans l'arène politique, a estimé qu'il "semblait y avoir plus d'intérêt à poursuivre Trump que d'autres politiciens".
Les démocrates ont à l'inverse salué la nouvelle, tout en mettant en garde contre le discours de Donald Trump. "Il va essayer d'instrumentaliser cette inculpation pour des gains politiques, parce que gagner la présidence sera peut-être son seul moyen d'éviter la prison", a déclaré l'élu Adam Schiff. Donald Trump pourra effectivement utiliser cette inculpation pour mobiliser son électorat, selon Eric Lisann. "Nous avons déjà l'expérience des réactions qu'il peut provoquer", affirme-t-il en référence à l'attaque du Capitole du 6 janvier 2021.
"A l'heure actuelle, rien ne l'empêche d'être président s'il est élu dans une élection générale en novembre 2024", explique l'ancien procureur fédéral dans l'émission Tout un monde. Aux Etats-Unis, en effet, être inculpé et même condamné pour un délit ou un crime n'interdit pas d'être candidat, élu ou d'occuper une fonction officielle.
11'000 documents
En janvier 2021, quand il avait quitté la Maison Blanche pour s'installer dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, Donald Trump avait emporté des boîtes entières de dossiers. Une loi de 1978 oblige pourtant tout président américain à transmettre l'ensemble de ses emails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.
Un an plus tard, après plusieurs relances, il avait accepté de restituer 15 cartons, comportant plus de 200 documents classifiés. Dans un courrier, ses avocats avaient alors assuré qu'il n'y en avait pas d'autres. Après examen, la police fédérale avait toutefois estimé qu'il n'avait pas tout rendu et qu'il en conservait encore beaucoup dans son club à Palm Beach.
Des agents du FBI s'y étaient rendus le 8 août, et avaient saisi une trentaine d'autres boîtes, contenant 11'000 documents dont certains très sensibles, sur l'Iran ou la Chine. Dénonçant avec force une opération médiatique, ses avocats avaient vivement reproché au FBI la publication d'une photo montrant des documents saisis estampillés de la mention "Top Secret", éparpillés sur une moquette au motif floral.
Pour faire taire les accusations de machination, le ministre de la Justice Merrick Garland avait nommé en novembre un procureur spécial, Jack Smith, chargé de superviser cette enquête de manière indépendante, ainsi qu'une autre sur le rôle de Donald Trump dans l'assaut du Capitole.
Autres affaires
Un autre procureur spécial enquête en parallèle sur des documents classés confidentiels retrouvés en début d'année dans un ancien bureau et au domicile du président démocrate Joe Biden par ses avocats.
Ces trouvailles embarrassantes, ainsi que d'autres chez l'ex-vice-président Mike Pence, ont permis à Donald Trump de minimiser la gravité de sa conduite, même si Joe Biden a toujours coopéré avec la justice, restituant de son plein gré les documents, en nombre bien moins important.
Ce dossier est pourtant plus sérieux, sur le fond, que celui de New York. " C'est des crimes fédéraux, qui impliquent la sécurité nationale", affirme Eric Lisann. "S'il y a la preuve que d'importants documents de sécurité nationale ont été pris par Donald Trump, c'est très grave. Ça a mis la sécurité du pays en danger", poursuit-il.
Selon Eric Lisann, Donald Trump peut s'attendre à une lourde peine s'il est reconnu coupable. "D'autres cas de cette ampleur ont amené à des condamnations assez sévères, jusqu'à 10 ou 20 ans de prison dans les cas plus les plus graves", explique-t-il.
Et les déboires de Donald Trump ne s'arrêteront sans doute pas là. Une procureure de l'Etat de Géorgie, qui enquête depuis des mois sur les pressions exercées par le républicain pour tenter de changer le résultat de la présidentielle de 2020, doit annoncer d'ici septembre le résultat de ses investigations.
afp/nr