Chaque semaine, une foule dense se masse en face du Parlement et envahit progressivement le centre de la capitale serbe.
Les opposants d'Aleksandar Vucic, ancien ministre de Slobodan Milosevic accusé de crimes de guerre, dénoncent sa proximité avec les réseaux criminels. Ils lui reprochent de banaliser la violence, notamment à travers les principaux médias du pays qu'il contrôle.
Les manifestants viennent en famille ou entre amis, parfois fleurs à la main, pour dire "non à la violence". "Nous sommes venus pour défendre la vraie Serbie et non pas celle d'Aleksandar Vucic, dont la secte criminelle dirige ce pays depuis plus de dix ans", explique jeudi dans l'émission Tout un Monde, Nemanje, un ouvrier d'une quarantaine d'années.
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La Serbie sous le choc après une fusillade dans une école
La société serbe est toujours sous le choc, un mois après deux tueries de masse qui ont coûté la vie à dix-huit personnes, dont une majorité d'enfants.
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Mais la tristesse a laissé la place à une immense colère, témoigne Tania, une manifestante de 33 ans. "Depuis que ces gens sont au pouvoir, la violence a atteint des proportions incroyables. Elle est partout, notamment dans les médias, dans la rue, ou encore dans les institutions judiciaires."
Le président serbe accuse l'opposition de récupération politique et traite les manifestants de charognards.
Une réponse choquante, "les gens descendent dans la rue pour dire qu'ils en ont en assez du lavage de cerveau, de la propagande et des injures", soutient Srdjan Markovic, jeune militant et organisateur du mouvement "La Serbie contre la violence".
Pas de mouvement de masse
Chaque semaine, les manifestations prennent de l'ampleur. Certains manifestants comparent leur mouvement au soulèvement de l'an 2000 qui a abouti à la chute du dictateur Slobodan Milosevic. Car les deux régimes se ressemblent, notamment par leur proximité avec les réseaux criminels, selon le politologue Igor Stiks.
Pour Florian Bieber, politologue, historien et spécialiste des nationalismes dans les Balkans, les deux mouvements ne sont toutefois pas exactement similaires, même s'il y a des parallèles. "La chute du dictateur Slobodan Milosevic a découlé d'un mouvement de masse. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en Serbie. L'opposition reste faible et divisée", souligne-t-il lundi dans La Matinale. Et d'ajouter: "Il y a une grande probabilité qu'il regagne les élections. Il n'existe pas de réelle alternative politique pour l'instant."
Un article du New York Times a récemment décrit les liens d'Aleksandar Vucic avec des figures de la pègre locale. Sur place, l'information a été relayée par certains journalistes indépendants. En outre, comme l'explique Florian Bieber, le président serbe dispose d'une grande autorité dans les médias. "Il contrôle aussi tout le système politique. Il règne une culture de la violence."
Milica Saric, rédactrice en chef du Centre pour le journalisme d'investigation, explique qu'ils dénoncent le fonctionnement des médias proches du pouvoir dont les émissions font quotidiennement l'apologie de la violence.
Des appels à la violence
Dans ces émissions, les intervenants sont souvent très à droite, voire ce sont des criminels de guerre notoires. Selon Milica Saric, ces intervenants suscitent la peur et génèrent un sentiment d'intolérance, ils "veulent la guerre et que les gens descendent dans la rue pour se battre ici et au Kosovo".
Pourtant, avant son arrivée au pouvoir en 2012, Aleksandar Vucic avait effectué une spectaculaire conversion modérée et pro-européenne, applaudie par les dirigeants européens.
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Mais selon Vukosava Crnjanski, directrice de l'ONG indépendante Crta, le président serbe n'a jamais renié ses engagements de l'époque des guerres yougoslaves, aux côtés de Slobodan Milosevic.
Le nationalisme serbe est donc nourri en permanence, le président Aleksandar Vucic en serait l'un des leaders absolus. Vukosava Crnjanski estime qu'il le fait consciemment et au détriment de la construction d'une société civile démocratique.
Sujet radio: Louis Seiller
Adaptation web: Miroslav Mares et Hélène Krähenbühl