Dans les rues de Vienne, 175 brumisateurs et plus de 1300 fontaines d'eau potable sont à la disposition des habitantes et habitants pour se rafraîchir. La capitale autrichienne n'envisage aucun rationnement d'eau potable dans les décennies à venir et pour cause: elle possède un trésor inestimable.
Depuis plus de cent ans, un canal de distribution d'eau de sources permet de fournir la ville en eau potable. A l'heure du changement climatique, Vienne souhaite plus que jamais préserver cet héritage.
Des sources alpines
A Kaiserbrunn, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale autrichienne, on ne trouve pas d'industrie, ni de commerces et il n'y a quasiment aucun tourisme. Tout est fait pour préserver les 70 sources d'eau potable qui se trouvent dans ce domaine acquis par Vienne il y a plus d'un siècle.
La Kaiserbrunnquelle est la première source alpine à avoir alimenté la ville de Vienne en eau et qui continue de le faire 150 ans plus tard. "Cette eau potable provient des précipitations, qu'il s'agisse de la pluie en été ou de la neige en hiver", explique Hans Tobler, de la compagnie municipale des eaux Wiener Wasser, lundi dans l'émission Tout un monde.
"Les précipitations se déposent à la surface de la montagne et cette terre, cette couche d'humus, permet une première filtration naturelle. Après s'être infiltrée dans ce sol, l'eau cherche son chemin à travers la montagne. Nous effectuons ensuite un contrôle en plusieurs étapes", poursuit-il.
Un canal en pente
L'eau quitte ensuite cet espace pour commencer sa route jusqu'à Vienne, où elle rejoindra l'un des 31 réservoirs de l'agglomération, selon un ingénieux système mis en place sous l'empire austro-hongrois, qui n'émet aucune émission de CO2.
"L'eau en provenance des Alpes a un grand avantage: elle peut venir jusqu'aux portes de Vienne sans pompage. Le système tout entier a été conçu de manière très ingénieuse avec une pente continue", explique Hans Tobler.
"Le canal de distribution a été construit de 1870 à 1873 par plus de 10'000 ouvriers. La conduite et l'altitude ont été calculées très précisément pour pouvoir arriver le plus haut possible à Vienne afin que l'eau puisse être distribuée depuis les réservoirs jusqu'aux consommateurs, là encore par gravité", continue-t-il.
Au bout de cette chaîne, ce sont les deux millions de Viennois et de Viennoises qui en profitent. Ils consomment chacun 130 litres d'eau courante par jour, pour un prix très abordable.
Surplus d'eau
La Wiener Wasser dispose d'un appareil permettant de mesurer la qualité de l'eau en ligne. "Cela nous permet, en cas de besoin, de sélectionner l'eau de source que nous prenons", explique Hans Tobler.
Ce tri peut se faire car le système de distribution fournit à la ville bien plus qu'assez d'eau. "La quantité disponible est bien plus importante que celle dont la ville de Vienne a besoin", confirme Hans Tobler. "La source de Kaiserbrunn a en ce moment un débit d'environ 1000 litres par seconde et nous n'envoyons actuellement que la moitié vers Vienne".
La qualité exceptionnelle de cette eau est l'un des éléments qui permet à Vienne d'être régulièrement désignée comme la ville la plus agréable du monde, ce dont se réjouissent ses habitants. "En tant que Viennoise, je me sens vraiment reconnaissante d'avoir un tel système", s'enthousiasme Mina, une habitante de la ville.
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Quant à Thomas, il est bien conscient de la chance qu'ont les habitants de la capitale en comparaison avec le reste du pays. "A l'ouest de l'Autriche, les gens doivent déjà réfléchir à la manière d'irriguer leurs champs et les pompiers apporter de l'eau aux endroits où il n'y en a pas assez", explique-t-il.
"C'est donc extrêmement précieux de ne pas avoir à se demander comment obtenir de l'eau propre et d'avoir cette situation d'autosuffisance", poursuit le Viennois.
Plan pour le futur
A l'heure du changement climatique, une partie de la population est pourtant inquiète pour l'avenir. "Les glaciers fondent, il y aura de moins en moins d'eau et je me demande quelle sera la situation à l'avenir, si mon bébé aura lui aussi cela quand il sera adulte", s'alarme Mina.
Vienne se prépare à faire face à ces défis. La Municipalité a adopté une stratégie jusqu'à 2050, qui table sur une hausse de la consommation de 15% en raison de la croissance de la ville et du réchauffement climatique.
Afin de continuer à garantir un accès à l'eau dans les décennies à venir, sans qu'il soit nécessaire de la rationner, Vienne a imaginé un plan en deux parties.
"Nous prévoyons d'une part de mieux utiliser et d'optimiser les sources qui fournissent de l'eau à Vienne et d'autre part d'augmenter fortement les capacités de stockage", explique Jürgen Czernohorszky, adjoint à l'Environnement pour la Municipalité. "En plus de cela, nous investissons chaque année des dizaines de millions d'euros pour rénover les canalisations afin de ne pas avoir de pertes", poursuit-il.
Depuis plus de vingt ans, l'accès à l'eau potable est même garanti dans la Constitution de la ville, afin de s'assurer que ce service restera public.
Sujet radio: Isaure Hiace
Adaptation web: Emilie Délétroz