Malgré la bonne volonté affichée par le président chinois Xi Jinping et le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui a achevé lundi une visite de deux jours à Pékin, de profonds désaccords demeurent entre les deux puissances, notamment sur la très épineuse question des liens entre les Etats-Unis et Taïwan, île revendiquée par la Chine.
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Dans cette région indo-pacifique se joue actuellement un bras de fer révélateur de ces rivalités.
Bataille navale
D'un côté, la Chine multiplie les exercices militaires et les provocations à proximité de Taïwan et, de l'autre, les Etats-Unis renforcent leur présence dans la région.
"Tout est question de dissuasion. L'idée, c'est que, si l'Occident et les alliés de l'Ouest dans la région Asie-Pacifique parviennent à démontrer qu'ils ont suffisamment de force, s'ils sont suffisamment puissants dans cette zone, alors ils parviendront à dissuader la Chine d'agir", a expliqué lundi dans le 19h30 de la RTS Sam Tangredi, professeur au Collège de la guerre navale à Rhode Island.
Historiquement, toutes les guerres navales sont gagnées par la plus grosse marine
Alors que les incidents se multiplient (lire encadré), cet expert, qui conseille le Pentagone, ne cache pas son inquiétude. "La Navy n'est plus la première marine au monde", regrette-t-il. "Même si les Etats-Unis ont une supériorité technologique, il y a un point de bascule au-delà duquel l'adversaire est juste trop grand."
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Si elle garde - pour l'instant - l'avantage avec ses sous-marins et ses porte-avions, la Navy américaine souffre en effet de la comparaison avec la Marine chinoise, qui compte davantage de navires. Et le fossé devrait s'agrandir. La Chine, qui avait 340 bateaux en 2021, en comptera 440 en 2030.
En face, les Etats-Unis ne suivent pas la cadence, passant de 294 navires en 2021 à 290 en 2030.
Stratégie chinoise
Cette augmentation des capacités navales chinoises s'inscrit dans une stratégie globale initiée par le président Xi Jinping. Selon un agenda fixé en 2017, il prévoyait d'avoir une armée entièrement "moderne" d'ici 2035 et une armée "de classe mondiale" - comprendre au même niveau que l'armée américaine - d'ici 2049, l'année du 100e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine.
Les effets de cette politique sont déjà visibles. Alors que la flotte chinoise était très en retard il y a quelques années, la majorité de ses navires sont désormais aussi avancés que ceux des Etats-Unis.
Côté aérien, Pékin arrive troisième au niveau mondial derrière les Etats-Unis et la Russie, avec 2800 avions dont 2500 de combat, selon un rapport du Pentagone sur l'état des forces militaires chinoises publié en 2021. L'armée terrestre chinoise peut en outre compter sur 975'000 hommes, selon ce même document.
Sur le plan international, la Chine prévoit également d'étendre son influence à travers des bases militaires installées hors de son territoire. La première a été inaugurée en 2018 à Djibouti.
Reportage TV: Gaspard Kühn
Adaptation web: jgal
Le détroit de Taïwan, une zone sous tensions
Le ministère américain de la défense a dénoncé le 4 juin les actions "de plus en plus risquées" de l'armée chinoise en Asie. Il a accusé un navire chinois d'avoir zigzagué la veille de façon "dangereuse" autour d'un destroyer américain dans le détroit de Taïwan.
Cet incident s'est produit alors que l'USS Chung-Hoon, un destroyer Aegis faisant partie de la flotte américaine du Pacifique, naviguait en compagnie du navire canadien HMCS Montréal dans le détroit de Taïwan, large de 180 km, qui sépare l'île autonome du même nom de la Chine continentale.
L'armée chinoise a indiqué qu'elle avait surveillé le passage des deux navires, mais n'a mentionné aucun incident. "Les pays concernés créent intentionnellement des troubles dans le détroit de Taïwan, attisent délibérément les risques et sapent malicieusement la paix et la stabilité régionales", a dénoncé un porte-parole chinois.
Le deuxième incident en dix jours
Des navires américains traversent régulièrement le détroit de Taïwan, mais ils le font rarement avec un navire allié. Le dernier passage conjoint américano-canadien remonte à septembre. Ces passages irritent la Chine, qui considère Taïwan comme une partie de son territoire et affirme avoir des droits souverains sur le détroit.
Il s'agit du deuxième incident sino-américain en moins de 10 jours dans la région. Le 26 mai, un pilote d'avion de combat chinois avait effectué "une manoeuvre agressive injustifiée" près d'un appareil de reconnaissance américain qui survolait la mer de Chine méridionale, selon des militaires américains. (afp)