A 55 ans, Sophie Lavaud devient la première Suissesse à réaliser un tel enchaînement. Côté masculin, cet exploit avait été réalisé en 1995 par la légende de l'alpinisme Erhard Loretan, troisième homme de l'histoire, à l'époque, à conquérir l'ensemble des "8000" derrière les monstres sacrés Reinhold Messner et Jerzy Kukuczka.
Au niveau mondial, ils ne sont aujourd'hui que quelques dizaines à avoir réussi l'ascension de tous les 8000, dont seule une poignée de femmes. Ces réalisations exceptionnelles cachent cependant des performances de difficultés diverses, certains empruntant les voies normales et avec une assistance en oxygène, d'autres des voies plus difficiles et sans assistance respiratoire.
Un exploit sur la longueur
"L'exploit est surtout sur la longueur", a expliqué lundi soir dans Forum Yan Giezendanner, routeur météo de Sophie Lavaud et expert de l’Himalaya. "Cela lui a pris plus de dix ans. Il faut travailler à côté, trouver de l'argent. Ensuite, ce sont des entreprises dans les montagnes de l'Himalaya qui sont dangereuses. On ne réussit pas à tous les coups, il y a certains sommets pour lesquels on a dû nous reprendre à trois fois. C'était difficile, c'était long."
Le style de Sophie Lavaud détonne dans le monde de l'alpinisme. Loin de chercher l'exploit à tout prix, elle a osé prendre le temps nécessaire pour gravir ces quatorze sommets. "Maintenant, l'objectif est de faire ça en six mois", détaille Yan Giezendanner. "Sophie est vraiment de l'ancienne génération, mais c'était superbe de faire ça avec elle."
Exploits difficiles à prouver
Il existe un débat sur le nombre de femmes qui ont réussi cet exploit. On l’estime entre quatre et six, sans compter Sophie Lavaud. "Il y a évidemment de la triche. Souvent, il n'y a pas grand monde au sommet pour voir que vous êtes arrivés. Souvent il fait mauvais, il fait nuit. Vous faites une photo, mais il n'y a pas de grandes preuves."
Yan Giezendanner explique que ce genre de doutes tendent à disparaître avec les balises GPS qui permettent de voir avec précision l'altitude et l'heure de l'alpiniste en question, lui permettant de prouver son ascension. Toutefois, "il y a toujours quelques litiges, et ça continuera toujours. Vous savez, la montagne est un milieu un peu obscur, c'est très spécial", conclut l'expert de l'Himalaya.
Propos recueillis par Esther Coquoz/asch
Le changement climatique va compliquer l'ascension des hauts sommets
L'ascension des sommets de plus de 8000 mètres semble de plus en plus ardue à réaliser dans le contexte de la crise climatique. "Il est très probable qu'au regard du changement climatique et de ses effets sur les milieux de haute montagne, la multiplicité d'ascensions soit plus difficile, parce qu'on aura des conditions de plus en plus aléatoires et plus techniques", a expliqué Jacques Mourey, géographe et accompagnateur en montagne, mardi dans La Matinale de la RTS.
Alors que dans les années 80 encore, il y avait de la neige pendant tout l'été en haute altitude, celle-ci a en partie fondu. "On a en général de la glace, voire même des couloirs qui sont aujourd'hui complètement rocheux, donc plus difficiles à pratiquer et plus dangereux car exposés à des chutes de pierres", détaille Jacques Mourey.
Le géographe en est certain, "identifier les bons moments pour aller faire une ascension va se compliquer d'autant plus dans le futur".