A hauteur d'homme, sur quatre roues, les robots de patrouille déambulent déjà depuis un certain temps dans l'aéroport international de Singapour. Ces machines imposantes se déplacent et s'adressent au public avec des hauts parleurs.
Dotés d'une caméra à 360 degrés, ces robots retransmettent ensuite leurs images aux policiers dans des salles de contrôle. Les robots sont capables de mettre seuls en place un cordon de police ou d'avertir des passants pendant un incident.
Derrière cette annonce de déploiement des robots de patrouilles dans les rues de Singapour, les autorités expliquent vouloir remédier à un manque de policiers.
Opération de communication
La Cité-Etat répète souvent avoir l'un des taux de criminalité les plus faibles au monde. Près de 90'000 caméras de police sont en place sur le territoire. Un nombre appelé à grossir d'ici 2030.
Selon Eric Frécon, chercheur associé à l'IRASEC, l'Institut de recherches sur l'Asie du Sud-Est contemporaine, l'objectif de Singapour est aussi de communiquer sur son image.
"La police, on ne la voit pas tant que ça à Singapour. Donc cette idée de robots, je me demande si ce n'est pas aussi pour la vitrine, la façade, pour illustrer un Etat digital, un Etat qui est de plain- pied dans le 21e siècle, voire le 22e", explique le chercheur dans La Matinale de la RTS.
Collecte des données
Des activistes des droits humains pointent du doigt la banalisation de la collecte de données et un renforcement discret mais réel du pouvoir policier. "Pour les activistes, la préoccupation, c'est ce déploiement croissant de la technologie et de la collecte de donnée", analyse Kirsten Han, journaliste et militante sociale singapourienne.
"Il n'y a pas assez de réponses sur comment ces données sont utilisées et protégées. Je pense que pour nous l'inquiétude est aussi sur le fait de toujours avoir plus de pouvoir policier, sans une surveillance nationale suffisante, ou une conversation suffisante sur les limites de ce pouvoir et s'il devrait y avoir plus de freins et de contrepoids."
Population passive
Pour l'heure, la population n'a pas réagi à l'annonce du déploiement des robots. "Je pense qu'à Singapour, il y a un certain haut niveau de confiance envers l'Etat, et aussi un accent sur l'ordre et la loi. Ces messages se sont renforcés depuis longtemps", analyse Kirsten Han.
"Le maintien de l'ordre est très normalisé. Donc il n'y a pas l'instinct d'être tout de suite réfractaire à l'idée d'avoir plus de caméras CCTV, ou plus de surveillance ou de robots policiers. De plus, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Ça prend de l'ampleur, c'est un déploiement progressif de la technologie et du maintien de l'ordre."
Pour rappel, à Singapour, le ministre de la Police est également ministre de la Justice. Et c'est notamment par lui que la démocratisation des robots de patrouille est décidée.
Juliette Pietraszewski/asch
Une base légale insuffisante pour de tels robots en Suisse
Est-ce que l’on verra bientôt en Suisse des robots patrouilleurs, équipés de haut-parleurs et de caméras à reconnaissance faciale? Le déploiement de cette technologie de robots policiers nécessiterait de faire évoluer la loi, détaille Sylvain Métille, avocat à Lausanne et spécialiste de la protection des données.
"Une surveillance mise en place par l'Etat a besoin d'une base légale, donc d'une loi de police. Et aujourd'hui, à ma connaissance, on n'a pas de loi cantonale de police qui permettrait d'avoir un robot qui fait de la reconnaissance faciale en temps réel dans la rue."
Sylvain Métille estime également qu'une telle loi aurait de grande chance d'être anticonstitutionnelle, car disproportionnée. "On est donc très loin d'une surveillance similaire à celle de Singapour", conclut l'avocat.