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Les violences se poursuivent en France après la mort d'un jeune de 17 ans, tué par un policier

En France, des tensions ont émaillé la marche blanche organisée en mémoire de Nahel, tué par des policiers à Nanterre
En France, des tensions ont émaillé la marche blanche organisée en mémoire de Nahel, tué par des policiers à Nanterre / 19h30 / 2 min. / le 29 juin 2023
Après deux nuits de tensions, une marche blanche en hommage à Nahel, 17 ans, tué mardi par un policier lors d'un contrôle routier, s'est tenue jeudi à Nanterre, près de Paris. Le policier a été mis en examen pour homicide volontaire et a présenté ses excuses à la famille, mais les autorités s'attendent à une "généralisation des violences".

La mère de la victime, portant un tee-shirt "Justice pour Nahel", a ouvert la manifestation, suivie de centaines de participants regroupés derrière une banderole portant le même slogan. "Pas de justice, pas de paix!" et "Tout le monde déteste la police!", ont-ils aussi crié. Certains portaient des pancartes "La police tue", "Combien de Nahel n'ont pas été filmés?" ou "Nos vies sont en danger".

Assa Traoré, figure de la lutte contre les violences policières en France, était présente aux côtés de la mère de Nahel: "Il faut que le monde entier voie (...). Quand on marche pour Nahel, on marche pour tous ceux qui n'ont pas eu de caméra", a-t-elle déclaré au début de la marche. Des élus et responsables politiques ont également défilé, dont le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, et la cheffe d'Europe Ecologie Les Verts, Marine Tondelier.

>> Lire aussi : Tensions et polémiques en France après la mort d'un adolescent tué par un policier

"Quoi qu'il ait fait, il n'y avait aucune raison de pointer une arme vers lui. Je comprends la haine. Et je pleure pour sa mère", a déclaré Mélina, 14 ans, venue rendre hommage à cet "ami d'ami" dont elle a appris la mort sur les réseaux sociaux.

La manifestation s'est terminée dans la confusion, avec des heurts, des tirs de gaz lacrymogène et de fusées d'artifice et du mobilier urbain détruit. Plusieurs voitures ont été incendiées.

Affrontement avec les forces de l'ordre

La manifestation a réuni 6200 personnes, selon la préfecture de police de Paris, dont "1000 perturbateurs qui ont fait dégénérer la marche". Selon un bilan encore provisoire, quinze personnes ont été interpellées. Des images postées sur les réseaux sociaux laissent apercevoir une foule importante.

La Brigade de recherche et d'intervention (BRI), unité dédiée aux interventions difficiles et non au maintien de l'ordre, a été envoyée sur place. "Le GIGN et le RAID sont en réserve pour d'autres endroits potentiellement", a ajouté une source policière, tandis que les consignes du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sont d'appliquer une "grande fermeté et interpellations dès que c'est possible", selon son entourage.

Malgré ce déploiement policier, en marge de la manifestation, plus d'une dizaine de voitures et nombre de poubelles ont été incendiées, des barrières ont été placées sur la route et des bâtiments ont été tagués ou vandalisés. Le monument aux martyrs de la déportation et de la Résistance a également été tagué, et un homme a tenté d'incendier le drapeau français qui flottait devant ce mémorial. Une banque a également été incendiée.

Les autorités ont annoncé dans la soirée qu'elles s'attendaient à une "généralisation des violences" dans les prochaines nuits, selon une note des renseignements. La note prédit "des actions ciblées sur les forces de l'ordre et les symboles de l'État ou de la puissance publique".

>> Les précisions de Raphaël Grand à Paris :

Mort de Nahel: Les banlieues françaises se préparent à une nouvelle nuit de violences. Le commentaire de Raphaël Grand à Nanterre
Mort de Nahel: Les banlieues françaises se préparent à une nouvelle nuit de violences. Le commentaire de Raphaël Grand à Nanterre / 19h30 / 1 min. / le 29 juin 2023

Couvre-feu dans plusieurs villes

Alors que plane déjà sur le pays le spectre de l'insurrection massive de 2005, les autorités ont pris des mesures drastiques pour éviter l'embrasement. Plusieurs villes en région parisienne ont décrété un couvre-feu, et des brigades d'intervention lourdement armées ont été déployées dans plusieurs villes. Le président Emmanuel Macron a convoqué jeudi matin une cellule interministérielle de crise au ministère de l'Intérieur. Il a jugé les violences "injustifiables" et appelé de nouveau au calme.

La municipalité de Clamart (Hauts-de-Seine) a instauré un couvre-feu entre 21h00 et 6h00 de jeudi soir à lundi matin, a annoncé sa mairie. Dans la nuit de mercredi à jeudi, une rame de tramway a été incendiée dans cette ville de banlieue cossue et plutôt tranquille. À Compiègne (Oise), le couvre-feu est valable de 22h00 à 6h00 pour les mineurs de moins de 16 ans non accompagnés d'un parent ou représentant légal.

A Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), où sept véhicules de la police municipale ont été détruits par les flammes, un couvre-feu partiel sera mis en place sur trois quartiers de la ville. Pris pour cible mercredi soir lors des émeutes, les tramways et autobus ne circulaient plus jeudi soir dès 21h00 en région parisienne.

Le gouvernement a annoncé la mobilisation de 40'000 policiers et gendarmes pour la soirée de jeudi, dont 5000 en région parisienne, soit une multiplication par quatre du dispositif policier déployé jusqu'à présent. Les forces d'intervention du RAID ont été déployées dans plusieurs villes, et des images impressionnantes sont captées dans de nombreuses villes françaises, comme Lyon, Marseille, Toulouse, Lille ou encore Montpellier.

Outre les dégradations, les pillages, les tirs de mortiers ou attaques envers les forces de l'ordre, des images de violentes altercations avec la police ont également commencé à circuler sur les réseaux sociaux.

En déplacement dans le département du Nord, où des violences ont aussi eu lieu, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a assuré que "la réponse de l'Etat sera extrêmement ferme". "Dès ce soir, il faut que chacun comprenne que l'ordre public va être rétabli", a-t-il affirmé à la presse depuis Tourcoing.

Pour l'heure, le gouvernement exclut toutefois de déclencher l'état d'urgence, un dispositif qui avait été lancé lors des insurrections de 2005.

Des violences en augmentation depuis mardi

Le décès de l'adolescent de 17 ans a déjà été la source de deux nuits de violences urbaines allant crescendo. Quelques heures après la mort du jeune homme mardi à Nanterre, à la suite d'un contrôle routier dans le chef-lieu des Hauts-de-Seine, des tensions et incidents ont éclaté. Les heurts ont été plus importants encore dans la nuit de mercredi à jeudi en Île de France et dans des villes de province.

Plusieurs villes ont déjà connu des incidents dans la nuit de mercredi à jeudi. Des écoles, médiathèques et commissariats ont été visés, ainsi que des bus en région parisienne, où la situation inquiète tout particulièrement (voir 3e encadré).

À Nanterre, les violences se sont poursuivies jusqu'en milieu de nuit dans la cité Pablo-Picasso, avec des jets de pavés auxquels les forces de l'ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène. Le poste de sécurité de l'entrée du domaine de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) a été attaqué au mortier d'artifice, selon la police.

Nouvelle nuit de heurts en France après la mort d'un jeune par [AFP - Gauthier Bedrignans]
Nouvelle nuit de heurts en France après la mort d'un jeune [AFP - Gauthier Bedrignans]

La police a utilisé des lanceurs de balles de défense (LBD) pour tenter de disperser les manifestants qui bloquaient des rues avec des poubelles incendiées dans les 18e et 19e arrondissements. Les jeunes ont répliqué par des jets de bouteilles et des feux d'artifice et la police s'est retrouvée débordée. "Nous en avons assez d'être traités de la sorte. C'est pour Nahel, nous sommes Nahel", ont lancé deux jeunes au visage masqué.

Appels au calme

Des appels au calme ont fusé de toutes parts et les pouvoirs publics ont multiplié les prises de parole pour prévenir la contagion des violences.

Emmanuel Macron a toutefois évoqué un acte "inexplicable" et "inexcusable" après le tir mortel sur Nahel, des mots qui ont été critiqués par l'extrême droite et les syndicats de police.

Le Première ministre Elisabeth Borne a appelé à "éviter toute escalade" lors d'une visite à Garges-lès-Gonesse. "Il y a un drame, la justice fait son travail. L'auteur du coup de feu devrait être mis en examen", a-t-elle dit à la presse (...) J'appelle à l'apaisement. Laissons la justice faire son travail", a-t-elle insisté.

>> L'analyse dans Forum de Jean-Michel Schlosser, sociologue et ancien inspecteur de police :

De nouveaux heurts après la mort d'un jeune tué par un policier en France: interview de Jean-Michel Schlosser
De nouveaux heurts après la mort d'un jeune tué par un policier en France: interview de Jean-Michel Schlosser / Forum / 7 min. / le 29 juin 2023

ami/boi/jop avec agences

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Le policier auteur du coup de feu mis en examen

Le policier auteur du coup de feu mortel a été mis en examen jeudi pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, a fait savoir le Parquet.

"Le Parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme (par le policier) ne sont pas réunies", avait estimé plus tôt le magistrat Pascal Prache.

Vidéos amateurs

Lors de sa conférence de presse, Pascal Prache a détaillé les circonstances du drame, après avoir entendu les deux policiers "à plusieurs reprises" et exploité des vidéos de surveillance et des vidéos amateurs diffusées sur les réseaux sociaux.

Selon les premiers éléments de l'enquête, les deux policiers à moto ont voulu contrôler la voiture qui circulait à vive allure "sur une voie de bus" à Nanterre, a-t-il décrit.

Ils ont fait signe au conducteur de s'arrêter à un feu rouge, mais celui-ci a redémarré. La voiture "a poursuivi sa route" suivi par les deux motards, avant de se retrouver coincée dans les embouteillages, selon Pascal Prache.

Armes pointées sur le conducteur

Les deux policiers ont alors mis pied à terre et "crié au conducteur de s'arrêter" en se positionnant "sur le côté gauche" de la voiture, "l'un au niveau de la portière du conducteur, l'autre près de l'aile avant gauche", selon le procureur.

Lors de leurs auditions, ils ont déclaré "avoir tous deux sortis leur arme" et les avoir "pointées sur le conducteur pour le dissuader de redémarrer", a-t-il indiqué. "Au moment où le véhicule a redémarré, le policier situé près de l'aile du véhicule a tiré une fois sur le conducteur", le touchant mortellement.

Des excuses à la famille

Le policier auteur du coup de feu a présenté ses excuses à sa famille pendant sa garde à vue, a rapporté jeudi son avocat sur BFMTV. Ses premiers et derniers mots "étaient pour dire pardon à la famille", a-t-il dit.

"Mon client a été extrêmement choqué par la violence de cette vidéo (...) qu'il a vue pour la première fois lors de sa garde à vue", a-t-il également assuré, en référence aux images le montrant tirant le coup de feu. "Il est dévasté (...) Il n'a pas voulu tuer", a-t-il ajouté.

L'avocat a toutefois annoncé qu'il allait faire appel du placement en détention de son client dès vendredi matin.

Situation tendue en Seine-Saint-Denis

La situation de la Seine-Saint-Denis, en région parisienne, a particulièrement marqué les observateurs. Des sources policières ont fait état de feux multiples de voitures et magasins, de pillages, de commissariats attaqués, de mairies dégradées ou encore d'une médiathèque incendiée. Presque toutes les communes du département ont été touchées.

Plusieurs incendies ont visé des mairies, dont celles de l'Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et Garges-les-Gonesses (Val-d'Oise). Des bus ont également été incendiés à Grigny et Brunoy (Essonne), selon l'une de ces sources. A Athis-Mons, un bus a été volé dans la nuit et des violences ont éclaté.

Gérald Darmanin avait annoncé la mobilisation pour la soirée de mercredi de 2000 policiers et gendarmes à Paris et dans sa petite couronne, 800 de plus que la nuit passée.