La nuit a toutefois été marquée par l'attaque à la voiture-bélier du domicile d'un maire. Et signe de la grave crise que traverse le pays, un point de la situation doit être fait dimanche soir autour du président Emmanuel Macron, a annoncé la présidence française.
Des émeutiers ont défoncé la porte du domicile de Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ les Roses, en banlieue parisienne, à l'aide d'une voiture avant de l'incendier, avec la volonté de faire flamber toute la maison, selon un procureur chargé de l'enquête ouverte pour "tentative d'assassinat".
A l'unisson d'une partie de la classe politique française, la Première ministre Elisabeth Borne s'est élevée dimanche contre des "faits intolérables", dans un contexte de recrudescence d'attaques visant des maires ou des élus en France.
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Plus de 700 interpellations
Outre cette attaque, le ministère de l'Intérieur a fait état de 10 commissariats, 10 casernes de gendarmerie et de six postes de police municipale pris pour cible, dans la nuit de samedi à dimanche. Quelque 719 personnes ont été interpellées dans tout le pays, notamment pour port d'objets susceptibles de servir d'armes ou de projectiles.
La nuit précédente, les forces de l'ordre avaient procédé à plus de 1300 interpellations, un chiffre record depuis mardi. La justice française commence d'ailleurs à être en surchauffe face à l'avalanche de procédures pénales visant des émeutiers présumés qui met les tribunaux des grandes villes sous pression.
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"Nuit plus calme grâce à l'action résolue des forces de l'ordre", s'est réjoui tôt dimanche le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur Twitter.
Quelque 45 policiers et gendarmes ont toutefois été blessés, 577 véhicules et 74 bâtiments ont été incendiés, tandis que 871 incendies ont été comptabilisés sur la voie publique, a indiqué dimanche matin le ministère.
La grand-mère de Nahel a appelé les participants aux émeutes à arrêter et à faire le calme sur la chaîne de télévision française BFMTV. "Les gens qui sont en train de casser, je leur dis: arrêtez. Qu'ils ne cassent pas les vitrines, qu'ils ne cassent pas les écoles, pas les bus. Arrêtez, c'est des mamans qui prennent les bus, c'est des mamans qui marchent dehors."
45'000 policiers en gendarmes mobilisés
Pour la deuxième nuit consécutive, le ministre avait reconduit un dispositif de 45'000 policiers et gendarmes, dont 7000 à Paris et en proche banlieue, et des renforts conséquents à Marseille (sud) et Lyon (centre est), les principales agglomérations touchées la veille par les heurts, destructions ou pillages.
A Marseille, sur la Canebière, artère phare de la deuxième ville de France, d'importants effectifs de forces de l'ordre, épaulées par les unités d'élite du Raid et du GIGN (gendarmerie) sont parvenus à disperser les groupes de jeunes qui avaient semé le chaos la veille, ont constaté des journalistes de l'AFP.
A Paris, un important dispositif a été déployé le long des Champs-Elysées, où des appels à se rassembler circulaient depuis vendredi sur les réseaux sociaux, a constaté une journaliste de l'AFP.
Tout au long de l'avenue, des petits groupes de jeunes vêtus de noirs ont déambulé sous les yeux de CRS devant les commerces, dont les devantures étaient protégées de planches de bois. Derrière des grilles noires, le célèbre restaurant Le Fouquet's a accueilli normalement ses clients pour le dîner.
En banlieue parisienne, point de départ des émeutes, des policiers ont été la cible de tirs de mortiers d'artifice à Vigneux, au sud de Paris.
Couvre-feu et transports en commun fermés
Pour tenter d'enrayer la spirale de violence, de nombreuses communes françaises ont instauré un couvre-feu et les réseaux de transport en commun ont été fermés plus tôt que prévu, notamment celui des bus et tramways en région parisienne à partir de 21H00 (19H00 GMT).
Samedi, Nahel a été inhumé à Nanterre, près de Paris, en présence de sa mère, de sa grand-mère et de plusieurs centaines de personnes lors d'une cérémonie "très calme, dans le recueillement et sans débordement", a rapporté un témoin à l'AFP.
Le policier de 38 ans auteur du coup de feu qui a tué Nahel a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi.
afp/vajo/juma
Le rôle des réseaux sociaux
Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a demandé aux procureurs de se tourner vers les réseaux sociaux comme Snapchat, accusés de servir à l'organisation des rassemblements, afin d'établir l'identité des personnes qui y échangent des lieux de rendez-vous.
Pour lutter contre les appels à la violence en ligne, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a réuni les représentants des réseaux sociaux Meta, Twitter, Snapchat et TikTok pour leur rappeler "leur responsabilité quant à la diffusion de ces publications", indique Beauvau dans un communiqué.
Il leur a demandé de "s'engager activement pour retirer les messages qui leur sont signalés et identifier les utilisateurs (...) qui participent à la commission d'infractions, et de répondre promptement aux réquisitions des autorités administratives et judiciaires".
"Le fond du débat c'est la place dans la société française des arabo-musulmans", estime un sociologue
Invité dans Forum dimanche, Jean Viard, sociologue en direct de Marseille, a estimé que la mort de Nahel est survenue parce la communauté arabo-musulmane et africaine se développe plus rapidement et a du mal à trouver sa place dans la société française. Certains travaillent et sont intégrés mais d'autres "traînent dans les quartiers".
"Le fond du débat c'est la place dans la société française des arabo-musulmans. En France, un jeune sur cinq est d'origine africaine ou maghrébine. C'est une énorme communauté qui se développe rapidement parce qu'elle fait plus d'enfants."
Et d'ajouter: "Je pense que les autorités n'acceptent pas l'idée qu'il y ait cette communauté là donc ils font plusieurs contrôles par jour."
Inquiétudes internationales
Ces violences inquiètent à l'étranger alors que la France doit accueillir à l'automne la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques à Paris à l'été 2024.
Plusieurs pays européens, dont la Grande-Bretagne, ont mis à jour leurs conseils aux voyageurs en leur recommandant de ne pas se rendre dans les zones concernées par les violences.
Le consulat de Chine à Marseille a aussi invité les citoyens chinois à "être vigilants et à faire preuve de prudence" après que les médias d'État ont rapporté qu'un bus transportant des touristes chinois, à Marseille, avait été la cible de jets de pierres jeudi.
De son côté, le chancelier allemand Olaf Scholz s'est dit dimanche "préoccupé" compte tenu de l'importance du couple franco-allemand pour le fonctionnement de l'Union européenne, tout en se disant "persuadé" que le président français trouverait les moyens de sortir "rapidement" de la crise.