Une sécheresse record
Selon le professeur Miguel Rodriguez de l'Université de Séville, la sécheresse qui touche actuellement le sud de l'Espagne a commencé en 2011. Les deux indicateurs de cette sécheresse sont une pluviométrie inférieure à la moyenne et des températures plus élevées.
Ce printemps, l'Andalousie a d'ailleurs battu de nombreux records de températures. Des records ponctuels, comme le 25 avril 2023, où le thermomètre est monté jusqu'à 38 degrés à Cordoue. Le mois de mars a quant lui été le plus chaud jamais enregistré.
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Cette sécheresse a des conséquences sur les quantités d'eau disponibles dans les barrages qui alimentent les grandes agglomérations comme celle de Malaga et ses 600'000 habitants.
À la fin du mois de mai, le taux de remplissage des cinq barrages qui approvisionnent l'agglomération était compris entre 10 et 30% de leur capacité maximale. C'est à cette période de l'année, à la fin du printemps, qu'ils sont censés être à leur maximum.
"Que le Seigneur nous sauve de cette sécheresse"
Dans la ville de Jaen, connue pour ses oliveraies, les habitants se sont tourné vers Dieu et les prières pour faire tomber la pluie. Cet évènement insolite, une procession religieuse chrétienne qui s'appelle "El abuelo", n'avait plus été organisée dans la ville depuis 1949, selon le diocèse de la province.
Cela montre à quel point la question de l'eau et de sa rareté est présente dans la culture populaire andalouse.
La longue histoire des techniques pour canaliser l'eau
Importée par les Romains et ensuite par les Arabes à l'époque où la péninsule ibérique était dominée par l'empire arabe, la technique des "acequias", des fossés d'irrigation creusés sur les flancs du massif montagneux de la Sierra Nevada, est toujours employée, plus de 1000 ans après.
Ces canaux ont été entretenus de générations en générations et ils ont modelé le paysage dans les régions de Grenade et d'Almeria. Selon les recherches du professeur d'archéologie Jose Maria Civantos, coordinateur du Memolab (laboratoire d'archéologie bio-culturelle de l'université de Grenade), il y a 24'000 kilomètres de ces canaux creusés tout autour de la Sierra Nevada.
Ce professeur souligne que les "acequias" ont non seulement une valeur historique et culturelle, mais qu'elles ont également un rôle de régulation des ressources en eau. Elles permettent l'existence d'une faune et d'une flore qui disparaîtraient si elles n'existaient pas.
Des technologies pour économiser l'eau
Plus de 1000 ans après l'apparition des "acequias", l'Andalousie reste un territoire qui innove dans les techniques d'irrigation, de traitement des eaux usées et de leur réutilisation.
La région d'Almeria est le poumon agricole de l'Andalousie, de l'Espagne et même de l'Europe. C'est là que se trouve la zone d'El Ejido, un immense territoire recouvert jusqu'à l'horizon des serres qui abritent des zones de cultures intensives. Il faut dire que l'Andalousie manque d'eau, mais pas de soleil, bénéficiant d'un climat propice à l'agriculture maraîchère à toute saison.
La zone d'El Ejido est souvent pointée du doigt pour ses méthodes d'agriculture, les conditions sociales des travailleurs qui sont employés. Mais c'est aussi un endroit qui doit innover pour continuer à produire et alimenter le marché alimentaire européen. L'économie de la région en dépend, l'approvisionnement alimentaire du continent aussi.
Usine de dessalement
Avec des ressources en eau de plus en plus faibles, les eaux utilisées dans ces cultures proviennent essentiellement de l'usine de dessalement de l'eau de mer, une technique dans laquelle l'Espagne est à la pointe mais qui présente des limites: elle demande énormément d'électricité pour fonctionner et produit une saumure très polluante.
Une autre technique, développée en partenariat avec la plateforme solaire d'Almeria, consiste à traiter les eaux usées urbaines, industrielles ou agricoles à l'aide des rayons ultraviolets du soleil. Une technique de plus en plus employée, qui permet d'optimiser au maximum le cycle de l'eau.
Des start-up innovent aussi avec des systèmes d'irrigation "intelligents" qui permettent d'arroser au bon moment et d'éviter les pertes liées à l'évaporation.
D'autres imaginent également des systèmes de plomberie qui évitent le gaspillage de l'eau dans les ménages ou les entreprises.
Des restrictions d'eau malgré tout
Malgré tout ce savoir-faire, l'Andalousie n'échappe pas aux pénuries et aux restrictions.
Depuis le printemps 2022, les fameuses douches de plage qui servent à se rincer du sel de mer sont coupées et le resteront pour cet été 2023. Certains villages ont même dû être approvisionnés en eau potable.
Dans la région de Malaga, une loi pourrait prochainement être adoptée interdisant de remplir les piscines des particuliers avec de l'eau potable.
Pour conclure, alors que des régions situées plus au nord en Europe commencent à souffrir du manque d'eau provoqué par le changement climatique, l'Andalousie est un véritable laboratoire. Des techniques parfois ancestrales parfois hyper modernes dont certaines régions jusque-là épargnées par la sécheresse pourront s'inspirer dans le futur.
Marc Gagliardone