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A Prora en Allemagne, on se prélasse dans un ancien village de vacances nazi

Prora: la station balnéaire imaginée par Adolf Hitler
Prora: la station balnéaire imaginée par Adolf Hitler / 19h30 / 4 min. / le 2 juillet 2023
Le régime nazi avait imaginé un centre de vacances pour 20'000 citoyens du Reich à Prora en Allemagne. Jamais achevée, la station balnéaire a été restaurée de fond en comble 80 ans plus tard et attire désormais des centaines de milliers de vacanciers et vacancières par an.

Avec ses façades blanches et ses balcons qui offrent une vue imprenable sur la Baltique, la station balnéaire de Prora attire chaque année un demi-million de touristes. Elle est néanmoins sortie tout droit de l’imaginaire d’Adolf Hitler.

Initiée en 1936, la construction de ce village devait en faire le plus grand complexe balnéaire au monde. Les six kilomètres de béton étaient destinés à devenir un lieu de villégiature, mais surtout d’endoctrinement.

Seul un petit musée revient sur ce passé. "L’idée était d'accueillir des vacanciers pendant une semaine. Répartis sur toute l'année, cela aurait permis d’accueillir des millions de personnes", explique dans le 19h30 une responsable du Musée de Prora.

Elle continue: "Prora a été conçu comme un instrument de propagande. L’objectif était de faire de l'exercice physique et mental, afin de fournir de meilleures performances à son retour au travail, mais surtout sur le champ de bataille."

Enthousiasme ou rejet

Des travailleurs forcés se sont échinés pendant des années à la construction de ce colosse, qui ne sera jamais inauguré à cause de la guerre. La station balnéaire est alors transformée en caserne pour l’armée est-allemande. Le complexe est finalement abandonné à son sort après la chute du Mur.

Dans les années 2000, des promoteurs immobiliers commencent à s'y intéresser. "Il nous a fallu beaucoup d’imagination au départ, c’était presque une ruine, on a tout éviscéré pour ne garder que la structure", détaille Rolf Hofmeister, qui a racheté l’un des blocs pour 350'000 euros.

Certains vacanciers sont toujours sur liste d’attente, et le passé des bâtiments ne les intéresse absolument pas

Rolf Hofmeister, promoteur immobilier à Prora

Il lui faudra plus de 10 ans pour y construire 250 appartements de vacances. Tous ont trouvé preneurs, malgré le passé tortueux de la station.

"Avec Prora, il n’y a pas de demi-mesure, c’est soit l’enthousiasme, soit le rejet", observe Rolf Hofmeister. "Mais concrètement, on a eu beaucoup plus de demandes que d’appartements, certains sont toujours sur liste d’attente, et le passé du bâtiment ne les intéresse absolument pas."

Absence de mémoire

Le dernier bâtiment en ruines va bientôt être restauré, laissant la place à de nouveaux appartements de luxe. Un certain malaise persiste toutefois, comme le décrit Felix Locht, qui a ouvert deux restaurants et une épicerie dans la station balnéaire. Les affaires tournent pour lui, mais l’absence de mémoire le taraude quotidiennement.

"Les gens entrent dans mon épicerie et me demandent comment ça a été construit, et c’est un peu gênant. Selon moi, il faut pouvoir investir ces lieux, y passer des vacances et s’y amuser, mais il ne faut pas oublier ce que c’était. Il devrait y avoir de la pédagogie, des panneaux informatifs. Et personne ne sait quand ça viendra", déplore-t-il.

De leur côté, les autorités se sont engagées à ouvrir un centre de documentation pour entretenir la mémoire du passé de Prora.

Reportage TV: Anne Maillet

Version web: Antoine Schaub

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