C'est Rachel Harper, directrice de St Patrick’s School, qui est à l'origine du projet en Irlande. Face aux angoisses croissantes des parents vis-à-vis des smartphones, elle leur a proposé un pacte sur base volontaire.
Il n'y aura en effet pas de contrôles, mais les parents coopèrent. "Il y en a qui avaient peur de passer pour les parents surprotecteurs, mais finalement 96% ont signé ce pacte qui veut que leurs enfants n’aient pas de téléphone avant le secondaire", explique la directrice dans le 19h30 de la RTS. Aujourd’hui, Rachel Harper a été rejointe par toutes les écoles alentours.
Pas de pression sociale
Les huit écoles primaires de Greystones s'étant accordées pour que tous les enfants de la ville suivent le même règlement, il n'y a plus de pression sociale. Avant, "les enfants avaient tous le même argument", estime Christina, une habitante de Greystones. "Maman, c’est injuste, je suis la seule qui n’a pas de téléphone, tout le monde en a un", clamaient ses filles avant l'interdiction.
Depuis que les enfants n'ont plus le droit aux portables, la tentation a disparu. "J’avais Snapchat sur mon iPad, mais avec ce nouveau règlement, tous mes amis l’ont supprimé. Donc je me suis dit que j’allais faire pareil", explique Jane, 10 ans.
L'intérêt du ministre de la Santé
Les enfants de Greystones n'ont donc pas de téléphone, mais dans cette petite ville cossue du sud de Dublin, cela ne pose aucun problème d’organisation. "Si ce n'est pas les parents qui viennent les chercher à l’école, c’est la babysitter, donc on sait toujours où sont les enfants", explique Christina.
L'initiative semble donc bien fonctionner, à tel point qu'elle pourrait servir d’exemple pour toute l'Irlande. En effet, le projet est parvenu aux oreilles du ministre de la Santé, Stephen Donnelly, qui souhaite en faire une mesure nationale.
"Personnellement, j’aimerais que ça aille plus loin, y compris à l’école secondaire", affirme le ministre, également père de trois enfants. "Mais, ça a déjà eu un énorme impact et ça a suscité des réactions très positives dans tout le pays", se réjouit-il.
Le projet pourrait donc s'étendre au reste du pays. Et au-delà, l’Irlande veut se positionner comme un exemple international dans la protection des mineurs.
Sujets TV: Théo Jeannet et Cécilia Mendoza
Adaptation web: Emilie Délétroz
La question se pose aussi en Suisse
En Suisse aussi, les parents cherchent à limiter l'usage du téléphone chez leurs enfants. A Rueyres-les-Prés (FR), près d'Estavayer, la famille Challet a établi des règles pour réguler l'utilisation des écrans par leurs deux fils.
Leurs téléphones sont paramétrés par un contrôle parental et sont gardés sous clé en dehors des plages horaires autorisées. Le plus jeune, Quentin, a 11 ans. Il n’a le droit d’utiliser son téléphone qu’une heure par jour pour jouer, sauf s’il se rend à un événement pour pouvoir appeler ses parents s’il se perd.
Ses parents l'ont également sensibilisé aux dangers d’internet, avec quelques règles d’or, comme signaler des messages suspects ou ne pas cliquer sur des liens inconnus.
Un paradoxe
Pour Claire Balleys, sociologue des médias et directrice du Medialab de l'Université de Genève, l’utilisation des téléphones par des enfants soulève un paradoxe, entre besoin du smartphone et culpabilité parce que l'enfant l'utilise trop.
"Les parents vont équiper l'enfant avec un téléphone pour qu'il puisse être joignable quand il sort. On a l'impression que c'est un gage de sécurité", explique-t-elle. "Et en même temps, le problème c'est que l’enfant va s’habituer à utiliser le natel, va être de plus en plus dessus et ça va créer chez les parents un sentiment de culpabilité", poursuit-elle.
Vers un bannissement à l'école néerlandaise
Les téléphones portables et autres montres connectées perturbent les enfants dans leur apprentissage et doivent par conséquent être bannis des établissements d'enseignement secondaire, a déclaré le gouvernement néerlandais.
La Haye demande aux directions des écoles du pays de convenir d'ici octobre d'un règlement interne avec les enseignants, parents et élèves afin de retirer dès le mois de janvier ces appareils des salles de classe.
"Il y a de plus en plus de preuves selon lesquelles les téléphones portables ont un effet nocif pendant les cours", estime le gouvernement. "Les élèves peuvent moins bien se concentrer et leurs performances en pâtissent."
Dès 2024
"Pour cette raison, les téléphones portables ainsi que les tablettes ou encore les montres connectées ne seront plus autorisés dans les classes à partir du 1er janvier 2024."
Dans une lettre adressée à la chambre basse du Parlement, le ministre de l'Education, Robert Dijkgraaf, affirme espérer une "transformation culturelle qui affectera de manière positive le climat d'apprentissage dans les salles de classe".
Le ministre explique avoir mené pendant plusieurs mois des discussions à ce sujet avec des professeurs, des scientifiques, des parents et des élèves. "Toutes les parties concernées soulignent l'importance d'un environnement d'apprentissage dans lequel les élèves peuvent se concentrer et participer."