Depuis six mois, l'orthopédiste cubain Raciel Escalona travaille à l'hôpital de la petite ville de Polistena. A son arrivée, il ne parlait pas un mot d'italien. Mais aujourd'hui, il sait même blaguer avec ses patients.
Le docteur Escalona fait partie du premier contingent arrivé de Cuba pour répondre à l'urgence sanitaire en Calabre, dans le sud de l'Italie.
"Je peux confirmer, il est excellent", assure dans la salle de consultation l'un de ses patients, un bandage au pied droit. "Sans lui, j'aurais dû attendre huit mois pour faire cette opération", souligne-t-il jeudi dans le 19h30.
Appel au secours
Comme tous les autres hôpitaux publics calabrais, l'hôpital de Polistena était à l'agonie: liste d'attente infinie, endettement à hauteur de plus d’un milliard, infiltrations mafieuses… Autant de maux qui ont obligé les autorités régionales à fermer 18 hôpitaux en Calabre. A Polistena, l’été dernier, le service de réanimation avait même dû fermer ses portes par manque de médecins.
"Cela va vous sembler absurde: j'ai dû faire des tours de garde de plus de 36 heures d'affilée", raconte Francesca Liotta, la directrice du service de réanimation de l'hôpital de Polistena. "L'arrivée des médecins cubains nous a vraiment donné une bouffée d'oxygène. Cela a aussi relancé l'enthousiasme pour notre métier", s'exclame-t-elle.
En Calabre, il manque 2500 médecins. Pour éviter la fermeture des autres hôpitaux, la région a décidé de faire appel à la coopération médicale cubaine, car faire appel à des médecins privés italiens coûte dix fois plus cher.
Après avoir travaillé en Mauritanie et au Venezuela, Asbel Diaz Fonseca, un chirurgien de 38 ans, n'aurait jamais pensé que la riche Europe aurait aussi besoin de lui. "L'Italie a une population vieillissante, il y a beaucoup de médecins à la retraite et ils manquent de formation", note-t-il.
Une partie du salaire reversé à Cuba
A travail égal, salaire égal, quel que soit le passeport: les médecins cubains touchent 4700 euros mensuels. Mais ils reverseraient deux tiers de leur salaire à leur pays.
"Cuba est une administration socialiste, sans argent! Nous ne travaillons pas pour l'argent, nous travaillons pour le coeur et c'est plus important", déclare Asbel Diaz Fonseca.
Cet accord entre la Calabre et Cuba a poussé les Etats-Unis à demander des comptes à l'Italie sur une possible entorse à l'embargo. Michele Tripodi, le maire de Polistena, communiste et admirateur de Che Guevara, balaie ces doutes: "C'est juste de respecter les conventions internationales. Mais une de nos exigences était justement de pouvoir payer ces travailleurs cubains comme si c'étaient des médecins italiens", soutient Michele Tripodi.
La population satisfaite
Dans cette bourgade de 10'000 habitants, la population est ravie et tout le monde encense les médecins venus de loin.
Deux hommes assis à l'ombre d'un arbre d'une place publique ne s'en cachent pas: "S'il n'y a pas de médecin, c'est terrible. Alors qu'il soit Cubain ou Africain, peu importe. Maintenant, on a au moins des médecins", s'enthousiasme le premier. "Et ils disent que leur préparation est excellente", ajoute son compère.
Valérie Dupont/ami