Les sédiments stratifiés au fond de cette petite étendue d'eau d'un kilomètre carré, chargés de microplastiques, de cendres de combustion du pétrole et du charbon, et de retombées des explosions de bombes nucléaires, constituent la meilleure preuve qu'un nouveau chapitre de l'histoire de la Terre s'est ouvert, ont conclu les membres du groupe de travail sur l'Anthropocène.
Mais l'approbation officielle par les autorités géologiques mondiales que la Terre serait sortie de l'Holocène, la période débutée il y a environ 12'000 ans à la fin de la dernière glaciation, pour entrer dans l'Anthropocène, l'"époque de l'Humain", reste très incertaine.
Critères techniques pas remplis
De l'avis général, une approbation sera très difficile. Des géologues de renom estiment que les critères techniques ne sont pas remplis pour qualifier l'Anthropocène de nouvelle "époque", même s'ils reconnaissent qu'une rupture s'est produite au XXe siècle.
Si la barre du vote à la majorité des deux tiers de l'ICS et auparavant d'un sous-comité était franchie, les partisans de l'Anthropocène devraient encore convaincre les gardiens de l'Union internationale des sciences géologiques (IUGS), réputés intransigeants sur les modifications de la Charte chronostratigraphique internationale.
Les données montrent un changement clair à partir du milieu du XXe siècle, amenant le système terrestre au-delà des limites normales de l'Holocène
La route est encore longue mais une étape majeure a toutefois été franchie avec le choix de ce lac canadien comme incarnation physique de l'Anthropocène, parmi une liste finale de neuf candidats, dont les sédiments d'une baie du Japon, la boue d'un cratère en Chine, les traces dans une carotte glaciaire ou celles sur des récifs coralliens.
Sédiments extraordinairement stables
"Les données montrent un changement clair à partir du milieu du XXe siècle, amenant le système terrestre au-delà des limites normales de l'Holocène", explique Andy Cundy, professeur à l'Université britannique de Southampton et membre du groupe de travail.
Les sédiments du lac Crawford, extraordinairement stables car les eaux en profondeur et en surface ne se mélangent pas, "reflètent le point de basculement dans l'histoire de la Terre, lorsque le système terrestre a cessé de se comporter comme il l'avait fait pendant 11'700 ans", a expliqué Francine McCarthy, professeure canadienne qui a mené les recherches sur le lac, lors d'une conférence de presse en ligne mardi.
Marque de l'influence humaine
Le lac porte la marque de l'influence humaine avant et pendant la colonisation, mais "à aucun moment il n'y a eu de changement mondialement synchrone par rapport aux évolutions de la Terre jusqu'à cette 'grande accélération' du milieu du 20ème siècle", a-t-elle expliqué.
Et ces changements se manifestent de façon spectaculaire: la première semaine de juillet a été la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, des incendies de forêt hors de contrôle ravagent le Canada depuis des mois, tandis que les États-Unis et la Chine sont confrontés à une vague de chaleur, des inondations et une sécheresse sans précédent.
afp/hkr