L'Ukraine est en guerre depuis le 24 février 2022, jour de l'invasion de l'armée russe. Depuis, les couvre-feux, les abris et les bombardements font partie du quotidien des habitants. "Ce qui me frappe particulièrement, c'est la résilience de la population", affirme vendredi Félix Baumann dans La Matinale.
Le nouvel ambassadeur suisse en Ukraine voit un vrai contraste entre l'ambiance en ville de Kiev et le contexte de guerre dans lequel le pays se trouve. "Les jeunes en particulier essaient quand même d'avoir une vie aussi normale que possible. Ils sortent, ils vont dans les restaurants", explique-t-il. "Mais les établissements publics ferment à 22h00 et c'est là que la ville très rapidement se dépeuple, puisqu'il y a couvre-feu à partir de minuit. C'est là qu'on est rappelé qu'on est dans une situation de guerre".
Les gens ont une détermination incroyable à vouloir défendre le pays et participer à sa reconstruction
Félix Baumann salue la "détermination incroyable" de la population ukrainienne à vouloir défendre leur pays et participer à sa reconstruction. "On voit une société civile aussi qui est extrêmement dynamique", affirme-t-il. L'ambassadeur remarque toutefois une certaine fatigue - physique et psychique - qui s'installe. "La guerre affecte évidemment la population", dit-il, "mais comme je l'ai dit, les gens sont vraiment déterminés. Ils veulent jouer un rôle dans cette situation très difficile".
Engagement de la Suisse
Selon Félix Baumann, l'un des plus gros défis à relever pour l'ambassade est l'incertitude. "On doit avoir une vision des objectifs que la Suisse veut atteindre, mais en même temps, on ne sait jamais ce qu'il se passe. Le cadre reste reste quand même très volatile", explique-t-il.
L'ambassadeur a pu se rendre dans la ville de Vinnytsia, avec laquelle la Suisse travaille depuis une quinzaine d'années. "La Suisse y est engagée dans plusieurs domaines, mais surtout dans la mobilité", explique Félix Baumann. "C'est pour ça qu'il y a plein de trams zurichois qui circulent à Vinnytsia".
Ayant travaillé durant de nombreux années dans le milieu diplomatique, notamment au sein de l'ONU, Félix Baumann est déterminé à renforcer les liens entre la Genève internationale et l'Ukraine, "puisqu'il y a énormément d'institutions et de partenaires de la Genève internationale qui sont déjà présents", dit-il, faisant référence notamment à la Fondation suisse de déminage, le CICR ou encore différentes institutions onusiennes.
La Suisse est l'un des seuls pays à être vraiment proche de la ligne de conflits avec ses propres équipes
La Suisse s'engage également sur le front humanitaire depuis le début du conflit. "La Suisse est l'un des seuls pays à être vraiment proche de la ligne de conflits avec ses propres équipes", affirme Félix Baumann. L'ambassadeur rappelle en effet que si la Suisse finance des fonds multilatéraux, elle envoie aussi des missions humanitaires sur le front, dans l'est de l'Ukraine, pour "pouvoir être très flexible et prendre en compte les besoins réels des victimes".
Rôle humanitaire
Félix Baumann raconte que lors de son arrivée en Ukraine, début juin, il a pu observer la mobilisation de la Suisse suite à la destruction du barrage de Kakhovka. "On a livré des réservoirs d'eau très rapidement, on a pu réhabiliter des stations de pompage et on a également, la semaine passée, procédé à des forages pour voir s'il y avait de l'eau potable dans les sols", explique-t-il.
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La Suisse est prête à s'engager à long terme en Ukraine, selon Félix Baumann. "L'Ukraine restera une grande priorité, notamment en termes de coopération internationale", affirme-il, mais "sans perdre de vue le reste du monde". Selon lui, environ 1,5 milliard dédiés à l'Ukraine sont en principe prévus pour les six prochaines années.
L'ambassadeur assure qu'il y a une vraie gratitude en Ukraine par rapport à l'engagement de la Suisse. "La Suisse a une valeur ajoutée dans plein de domaines, comme l'aide humanitaire, la coopération, mais aussi l'aide au développement économique dans la politique de paix et des droits de l'homme", estime-t-il.
La neutralité ne veut pas dire que l'on est indifférent
La neutralité de la Suisse ne pose donc pas de problème selon Félix Baumann. "Les autorités ukrainiennes avec qui j'ai eu contact respectent la neutralité de la Suisse. Ils prennent note aussi que la discussion n'est pas figée", affirme-t-il.
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"La Suisse est neutre, mais la neutralité ne veut pas dire que l'on est indifférent", tient à préciser l'ambassadeur, qui rappelle que la Suisse a condamné "dans les plus forts termes" l'agression militaire de la Russie contre l'Ukraine et a repris les sanctions de l'Union européenne.
"Et surtout, beaucoup de citoyennes et de citoyens suisses ont montré leur solidarité en accueillant des personnes qui ont cherché refuge chez nous", conclut-il.
Propos recueillis par Aleksandra Planinic
Adaptation web: Emilie Délétroz