Dans la province généreuse en végétation et montagneuse de Varèse, non loin du Tessin, une unité spéciale des carabiniers chasseurs italiens passe la zone au crible. Ces hommes en treillis et béret rouge sont équipés pour affronter les terrains hostiles. Leur spécialité est la traque des boss de la mafia dans le maquis de Calabre et de Sicile notamment.
"Notre tâche est de patrouiller des zones forestières, comme ici, et, le cas échéant, d’arrêter des trafiquants. Notre spécialité est d’intervenir dans des endroits escarpés et inaccessibles. Nous sommes habitués à faire face à des situations dangereuses", a témoigné un carabinier de l'unité spéciale Baschi Rossi dans La Matinale de la RTS lundi. Ils ont été appelés en renfort dans le nord de la Péninsule, à la recherche des bivouacs des dealers installés dans ce que l’on surnomme désormais les "forêts de la drogue".
Des bandes de trafiquants, essentiellement des jeunes maghrébins clandestins selon les policiers italiens, se cachent dans les bois, où ils planquent les doses que leurs clients récupèrent en bordure de forêt. Type de drogue, quantité, prix, tout est organisé via WhatsApp. Le point de rencontre est généralement marqué d’un signe peint par les dealers le long d’une route de campagne, loin des grandes villes, comme un sordide "drive-in" du narcotrafic.
Inquiétude et exaspération des habitants
La province de Varèse, avec ses surfaces boisées ponctuées d’étangs, n’a plus grand-chose de bucolique à cause de ces trafics et les habitants ont peur. Les morts et les blessés graves survenus après des altercations avec les dealers armés attestent de leur dangerosité, estiment les riverains.
"Ils sont dans ces bois, ici derrière. Là-bas aussi. C’est plein. Et en direction de Bedero. Ils sont partout. Il y a trois-quatre ans, les choses étaient relativement calmes. Mais ils sont devenus agressifs, ils nous chassent, nous insultent, nous lancent des pierres. Une voiture arrive, le dealer sort du bois, il passe la drogue. Ça dure quelques secondes. Qu’est-ce qu’on peut faire? Rien, car c’est risqué. Les forces de l’ordre sont déjà intervenues. Mais un mois plus tard, les dealers reviennent. Et ça recommence", décrit une habitante.
"Je ne vais plus en forêt si je ne suis pas accompagnée. Si je vais me promener, c’est avec mes chiens ou une autre personne, pas seule. Ça non!", déclare une autre.
"Il y a des passionnés de randonnée qui ont peur parce qu’ils savent que ces gens n’ont rien à perdre. Tu te balades mais tu ne sais jamais à quoi t’attendre", se plaint un client de Ganna, le bar de la place. "Lorsqu’ils les attrapent, ils les libèrent le lendemain. Mais il faudrait les supprimer... Basta! C’est mon point de vue! Autrement, le problème existera toujours!", s'emporte carrément un autre.
Avancée des opérations
Plus bas dans la vallée, dans le village de Varèse, le commandant des carabiniers est satisfait des opérations de démantèlement menées ces derniers jours. "Avec l’unité des chasseurs, nous avons arrêté 20 individus et dénoncé 18 personnes. Septante-huit bivouacs ont été démantelés. On a séquestré trois kilos de stupéfiants et près de 10’000 euros et des francs suisses", se félicite le colonel Gianluca Piasentin.
Pour les enquêteurs italiens, la présence de francs suisses est un signe que les clients arrivent aussi du Tessin. "Le deal dans les forêts a introduit une offre de proximité avec des drogues disponibles près de chez soi dans des zones éloignées des grands centres comme Milan, tout en offrant aux trafiquants une sorte d’abri naturel avec la forêt. Nous considérons que ces deux facteurs ont favorisé le développement de ce phénomène, malgré d’importants efforts pour entraver sa progression", développe le colonel.
Sujet radio: Nicole della Pietra
Adaptation web: juma