Il faut repenser le système de financement de l'humanitaire, affirment des spécialistes
C'est après le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, qui s’est déroulé les 22 et 23 juin, que ces professionnels de l'humanitaire ont signé la tribune intitulée "Il faut un nouveau pacte mondial pour financer l’aide humanitaire internationale".
Les spécialistes constatent que les besoins humanitaires augmentent en raison de la multiplication des crises et du dérèglement climatique. Selon l'un d'eux, Pierre Micheletti, président d'honneur de l'ONG Action contre la faim, les budgets des ONG sont en augmentation constante depuis dix ans.
"Nous sommes passés en dix ans de 15 milliards de dollars de dépenses annuelles à des évaluations de l'ordre de 50 milliards pour l'année 2023", explique-t-il dans l'émission Forum.
"Cette somme, qui peut paraître importante, reste modeste, si on la compare à d'autres dépenses", affirme Pierre Micheletti, qui explique que la somme de 50 milliards de dollars correspond à un sixième de ce que la nation française consacre à sa santé ou encore au bénéfice net de certaines grandes entreprises.
Système de financement "à bout de souffle"
Pierre Micheletti et ses cosignataires estiment que le modèle de financement de l'humanitaire est "à bout de souffle". Il faut donc le réformer afin de pouvoir réunir ces 50 milliards de dollars annuels.
Plusieurs pistes sont évoquées par les signataires. Ils envisagent notamment une contribution de grandes entreprises. Une autre piste serait "d'augmenter de façon importante le périmètre des pays donateurs".
En effet, aujourd'hui, "la contribution au fonds est concentrée autour d'une dizaine de pays, occidentaux pour la plupart, qui à eux seuls réunissent plus de 80% des sommes qui sont réunies".
De plus, les contributions étant volontaires et annuelles, elles ne sont pas suffisantes pour faire face à des crises qui s'inscrivent dans le long terme, affirment les experts dans la tribune.
"83% des populations en besoin d’aide sont confrontées à des crises qui durent depuis au moins cinq ans", écrivent-ils. Il est donc impératif d'instaurer "des garanties de financements pluriannuels".
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Les coûts administratifs de certaines organisations doivent également être remis en question. Récemment, le CICR avait par exemple été pointé du doigt pour les salaires et les autres avantages financiers dédiés aux postes à responsabilité.
"Avant de se concentrer uniquement sur la recherche de financements, il y a des questions à se poser sur la performance du système", estime Pierre Micheletti.
Le président d'honneur de l'ONG Action contre la faim rappelle néanmoins que "pour la seule année 2023, on a une progression de plus de 30% des sommes estimées nécessaires, donc ces marges ne suffiront pas à pallier une augmentation très forte du nombre de crises de par le monde".
"Ne se priver d'aucune piste"
Il est toutefois difficile de prévoir un modèle unique pour l'ensemble des ONG humanitaires, celles-ci n'ayant pas toutes le même mode de financement.
Médecins sans frontières, par exemple, "a un modèle économique très particulier dans la mesure où presque 97 ou 98% de ses recettes viennent de donateurs privés", explique Pierre Micheletti, alors que "d'autres grandes ONG sont sur un équilibre beaucoup plus nuancé entre la participation des fonds gouvernementaux et la participation des fonds privés".
C'est pourquoi Pierre Micheletti estime qu'"il ne faut se priver d'aucune piste pour aller chercher ces financements".
Propos recueillis par Renaud Malik
Adaptation web: Emilie Délétroz