Ces femmes, représentées par l'organisation Center for reproductive rights, ont saisi la justice texane pour lui demander de clarifier les "exceptions médicales" aux lois interdisant désormais l'avortement dans cet Etat conservateur.
Selon leur plainte déposée en mars, ces exceptions sont définies de manière trop floue, ce qui effraie les médecins et les dissuade de pratiquer un avortement, même dans ce cadre. Les lois texanes prévoient de lourdes amendes et jusqu'à 99 ans de prison pour les médecins pratiquant des avortements illégaux.
Dans le cas des treize plaignantes, la grossesse était désirée mais a rencontré des complications condamnant de façon inévitable leur foetus.
Témoignages poignants
La première à livrer son histoire, Amanda Zurawski, a perdu les eaux à 18 semaines de grossesse. Son médecin lui annonce alors qu'une fausse couche est inévitable, mais qu'il n'est pas possible de provoquer le travail car cela "serait considéré comme un avortement illégal", a raconté la jeune femme à la cour.
Elle n'a pu obtenir cette procédure que trois jours plus tard, après avoir fait une septicémie, une infection généralisée qui l'a conduit à passer plusieurs jours en soins intensifs et a entraîné la perte d'une de ses trompes.
"Ce qui m'est arrivé se produit pour des gens partout dans le pays, pas seulement au Texas", a déclaré Amanda Zurawski. "Tellement de gens sont affectés par des interdictions similaires et j'espère le faire savoir plus largement."
Une autre plaignante, Samantha Casiano, n'a pu obtenir d'avortement malgré un diagnostic d'anencéphalie pour son bébé, une malformation du crâne et du cerveau signifiant qu'il ne survivrait pas. Pendant de longues semaines, elle a dû répéter son histoire à ceux la félicitant pour sa grossesse. Sa fille est morte quatre heures seulement après l'accouchement.
Exception non respectée
Depuis que la Cour suprême américaine a rendu aux Etats la liberté de légiférer eux-mêmes sur l'avortement, par un arrêt historique rendu en juin 2022, une quinzaine d'entre eux ont adopté des lois ultra-restrictives ou rendu l'avortement illégal sur leur sol.
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Le Texas a interdit toutes les interruptions volontaires de grossesse (IVG), à n'importe quel stade de la grossesse, y compris en cas d'inceste ou de viol. Seule exception: en cas de danger de mort ou de risque de grave handicap pour la mère.
Malgré cette exception, le contexte "hostile" a un effet dissuasif sur les médecins, souligne le Center for reproductive rights.
"Bien que l'interdiction d'avorter au Texas comporte une exception médicale, cette exception ne fonctionne tout simplement pas en pratique", a argumenté Molly Duane, l'une des avocates de l'organisation.
La loi comporte la notion de "danger pour la vie" de la mère, mais "le degré de certitude de ce danger ou à quel point il doit être rapproché dans le temps, n'est pas clair", a-t-elle dit.
Mesure d'urgence
Le Center for reproductive rights demande dans un premier temps la mise en place d'une mesure d'urgence: que la loi interdisant l'avortement ne s'applique pas en cas de complications médicales durant la grossesse, le temps que le dossier soit étudié sur le fond par la justice.
Cette mesure "est nécessaire pour stopper la crise de santé publique actuelle causée par la confusion et l'incertitude autour de l'exception médicale", argumente-t-il.
L'Etat du Texas, lui, affirme que la définition de l'exception médicale proposée par les plaignants reviendrait à "permettre des avortements pour des femmes enceintes ayant des soucis médicaux allant d'un mal de tête à un sentiment de dépression". Il réclame que la plainte soit rejetée. L'audience doit se poursuivre jeudi.
afp/edel