Benoît Pellistrandi: "La gauche espagnole a su agiter le fantasme d'un retour du franquisme avec Vox"
Pedro Sánchez avait de quoi avoir le sourire lundi matin. Donné perdant face à la droite, l'actuel Premier ministre socialiste a fait mieux que résister.
"Le bilan est plutôt satisfaisant pour le Parti socialiste. Il gagne un million de voix par rapport au scrutin de 2019 et deux sièges de députés. Certes, il est dépassé par le Parti populaire (droite) qui lui gagne 3 millions de voix et 47 députés, mais il n'y a pas de majorité alternative à droite", explique Benoît Pellistrandi.
Pour cet expert de l'Espagne, Pedro Sánchez est d'ailleurs désormais le mieux placé pour former un gouvernement, même s'il devra trouver des compromis. "Il faudra passer par les fourches caudines des indépendantistes catalans qui ont dit très clairement dimanche soir que l'investiture du candidat socialiste aurait un prix élevé".
>> Lire également : La gauche pourrait rester au pouvoir en Espagne après des législatives remportées par la droite
Le spectre d'un retour du franquisme
Le parti d'extrême droite Vox a quant à lui perdu des voix, comme les sondages le prédisaient. Pourtant, la gauche a réussi à mobiliser son électorat en faisant croire à un retour possible du franquisme en Espagne.
"Tous les sondages disaient que Vox serait autour de 30 sièges, ce qui a été le cas, il en ont 33. Ils ont perdu 600'000 voix. Mais il y a eu un fantasme de la gauche espagnole qui a su agiter le retour du franquisme avec Vox. Un fantasme qui a d'ailleurs été repris par les gauches européennes. L'autre jour, dans le journal Le Monde, on a par exemple eu droit à une tribune de l'ancien Premier ministre britannique Gordon Brown qui alertait sur le risque d'une victoire de l'extrême droite (...) tout ça était purement fictionnel, mais ça a eu un effet très mobilisateur à gauche", détaille l'expert.
Vox, un allié encombrant pour la droite
Pour autant, la radicalisation d'une partie de l'opinion conservatrice espagnole, qui vote désormais Vox, est un phénomène avéré.
"Mais à droite, beaucoup d'électeurs savent aussi que plus on vote pour Vox, plus on renforce la gauche", explique Benoît Pellistrandi.
Et c'est d'ailleurs la question qui devrait continuer à hanter encore le parti populaire: que faire de Vox? Au niveau local, des accords ont parfois été passés avec ce parti d'extrême droite, comme à Valence, mais au niveau national, le leader Alberto Núñez Feijóo a exclu de gouverner avec Vox.
"Pour la droite espagnole, le fait que Vox continue à exister est sans doute le verrou qu'il faut faire sauter pour permettre un retour au pouvoir, mais Vox ne va pas se laisser assassiner. C'est désormais une organisation qui est implantée, qui a des députés, une visibilité et une popularité incontestable", renchérit l'historien.
Propos recueillis par Patrick Chaboudez
Adaptation web: Tristan Hertig
Début des tractations
Au lendemain d'élections qui n'ont pas permis de dégager une majorité, le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez et son rival conservateur Alberto Núñez Feijóo, dont le parti a remporté le plus grand nombre de députés, vont entamer dès lundi des tractations pour tenter d'éviter de nouvelles élections.
Le Parti populaire (PP) Alberto Núñez Feijóo n'a finalement remporté 136 sièges sur un total de 350 au Congrès des députés, alors que le parti d'extrême droite Vox, son seul allié potentiel, en gagnait 33. Ils ne totalisent donc à eux deux que 169 sièges, loin de la majorité absolue, qui est de 176.
En face, le Parti socialiste (PSOE) de Pedor Sánchez dispose, lui, de 122 députés et Sumar, son allié de gauche radicale, de 31. Mais malgré ce score inférieur à celui de la droite, le Premier ministre conserve, paradoxalement, une chance de se maintenir au pouvoir car il pourrait obtenir le soutien de partis basques et catalans.