Trois morts dans les incendies sur les îles grecques, où les évacuations se poursuivent

Le Premier ministre conservateur grec, Kyriákos Mitsotákis, s'est félicité lundi des dizaines de milliers d’évacuations organisées et encadrées, a-t-il souligné, par les fonctionnaires de l’Etat. Mais aux articles de la presse gouvernementale qui tient pour unique responsable des incendies le dérèglement climatique s'opposent les reportages des médias de gauche qui relaient des témoignages de touristes furieux, estimant avoir été évacués dans le plus grand désordre.

Selon eux, les autorités grecques n'ont mis en place aucun encadrement: personne pour dire où aller alors que les touristes ne connaissent pas forcément la géographie des îles et personne non plus pour prendre en charge les personnes âgées, les malades, les femmes enceintes ou les enfants. Certains ont dû marcher plusieurs kilomètres dans la nuit avec leurs bagages.

>> Ecouter les détails de ces évacuations dans le 12h30 de lundi :

Keystone/EPA - Stamatis Katapodis

Sur le front des incendies qui font rage depuis plus d'une semaine dans le pays, les sapeurs-pompiers sont toujours à l'oeuvre sur les îles de Rhodes en mer Egée (sud-est), Corfou en mer Ionienne (nord-ouest) et à Eubée, grande île à l'est d'Athènes. Ces feux de forêt, attisés par des vents violents, ont déjà détruit de milliers d'hectares de forêt et de végétation sans toutefois faire de victimes à ce stade. De nombreuses régions du pays demeurent mardi "en alerte rouge", c'est-à-dire en "danger extrême" de feux de forêt alors que des vents de jusqu'à 40km/h soufflent en mer Egée.

Un bombardier d'eau de type Canadair s'est écrasé mardi alors qu'il luttait contre les flammes dans le sud de l'île d'Eubée. Les deux pilotes sont morts, a annoncé le ministère grec de la Défense.

C'est également sur cette île qu'a été retrouvé le corps carbonisé d'une troisième victime. "Une unité de police se rend sur place pour vérifier s'il s'agit d'un berger porté disparu depuis dimanche", a indiqué Konstantia Dimoglidou, porte-parole de la police grecque.

Mauvaise organisation

Daniel-Cladin Schimdt, un touriste allemand de 42 ans en vacances avec sa femme et leur fils de neuf ans dans le sud-est de Rhodes, a vécu "une évacuation cauchemardesque". "On est épuisés et traumatisés. Je crois qu'on ne réalise pas trop ce qu'il s'est passé."

Tout juste rentrée en Allemagne avec d'autres compatriotes ayant fui l'île du sud-est de la mer Egée, Lena Schwarz a parlé de l'"enfer" qu'elle a vécu là-bas. "Pour échapper aux flammes, nous avons couru une dizaine de kilomètres à pied avec tous nos bagages par une température de 42 degrés."

Images d'évacuations de personnes:

Andrea Leyfield, une touriste britannique, a témoigné de ce chaos: "Nous courions sur la plage. Les gens avaient leurs valises, nous avions des serviettes enroulées autour de la tête parce que de la cendre tombait. (...) Il n'y avait nulle part où aller. Et nous pouvions voir le feu nous poursuivre. Il n'y avait personne. Personne ne nous disait quoi faire."

>> Ecouter l'intégralité de son témoignage dans la Matinale de lundi :

epa/Keystone - Damiandis Lefteris

Manque de prévention

Des voix s'élèvent pour dire que rien n'a été fait pour éviter un tel drame. Andreas Stamellopoulos, informaticien, affirme dans La Matinale de mardi qu'aucun investissement n'a été fait dans des moyens de prévention des incendies. "La seule politique de ce gouvernement est 'évacuez et laissez tout brûler jusqu'à la mer'. Depuis quatre ans, il n’a pas été acquis de matériel sur terre comme sur mer pour lutter contre les feux. Aucun personnel formé contre les incendies n'a été embauché. Il n'y a eu aucune organisation pour faire face à ces incendies totalement prévisibles avec les canicules annoncées. On l'a vu. Et surtout, il n’y a eu aucune réflexion sur la réorganisation du corps des pompiers." Il regrette aussi que les évacuations forcées laissent les villages à la merci du feu.

De leur côté, les experts déplorent l'absence totale de prévention. L'avis est partagé par les pompiers qui luttent contre le feu depuis une dizaine de jours. Ils ne prévoient pas de répit avant une semaine.

Appel à prendre des mesures

Sur l'île de Corfou, où près de 2500 personnes ont été évacuées préventivement dans la nuit de dimanche à lundi, Joelle Chytiris, une Suissesse établie là-bas depuis plus de 20 ans, attend que le gouvernement prenne les choses en main. "Il faudrait que les gouvernements locaux prennent des mesures pour éviter ces incendies à répétition parce que la végétation souffre énormément. Comme le climat est chaud et humide, en tout cas ici à Corfou, ça repousse très vite: ce qui a été incendié est de nouveau vert au bout de trois ans. Mais ce ne sont pas les mêmes essences d'arbres qui poussent. Donc pour éviter la désertification des îles, ils devraient penser à protéger la végétation et à replanter des arbres là où ça a brûlé."

>> Ecouter l'intégralité de son témoignage dans La Matinale de mardi :

Eurokinissi / afp - Konotarinis Giorg

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a ouvert lundi un guichet suisse à l'aéroport de Rhodes. Un agent consulaire y est chargé d'aider les ressortissants helvètes sur place. Par ailleurs, trois voyagistes suisses ont offert un vol spécial de retour dans la nuit de lundi à mardi pour les personnes évacuées de cette île. Berne a déjà reçu 150 demandes d'aides relatives à la situation là-bas.

>> Pour aller plus loin sur le sujet : Les évacuations de touristes se poursuivent en Grèce alors que les incendies font toujours rage

Sujet radio: Angélique Kourounis, Virginie Gerhard

Adaptation web: Julie Marty avec agences