Nice, Toulon, Paris et bien sûr Marseille. Le mouvement de protestation des policiers français, qui se traduit par des arrêts maladie en masse, s'étend. Dans la cité phocéenne, la situation est même plus critique, puisque l'ensemble des agents de la brigade anti-criminalité, la BAC, sont "en indisponibilité" sur plusieurs secteurs. Dans certains commissariats, tous les agents ont par ailleurs débrayé.
Point de départ de la fronde, l'incarcération d'un policier, poursuivi pour des violences contre un jeune de 21 ans, tabassé en marge d'une nuit d'émeutes, au début du mois de juillet. Un jeune qui a notamment eu la mâchoire cassée et affirme ne pas avoir été impliqué dans les émeutes.
Dans cette affaire, trois autres agents ont également été mis en examen mais c'est bien la détention préventive du quatrième, plutôt que sa remise en liberté surveillée, qui a mis le feu aux poudres.
Soutien de la hiérarchie policière
La crise s'est envenimée après des propos chocs de plusieurs dirigeants. Frédéric Veaux, directeur de la police nationale peu habitué à s'exprimer dans les médias, a déclaré qu'avant un éventuel procès "un policier n'avait pas sa place en prison". Une prise de position approuvée par un autre homme fort de la police française, le préfet de Paris, Laurent Nunez.
Ces interventions ont déclenché un déluge de protestations, notamment à gauche. Jean-Luc Mélenchon a parlé d’une "sédition policière" alors que le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a estimé que les chefs de la police "mettaient au défi" la République. Les syndicats de magistrats ont de leur côté dénoncé des pressions de la police sur le cours de la justice.
Pour Christophe Korell, cette méthode n'est pas la bonne. "Il faut faire attention. On a une séparation des pouvoirs en France, donc le pouvoir policier n'a pas à interférer et à faire pression sur la justice", explique-t-il mercredi dans l'émission Forum.
Ce policier détaché auprès du ministère français de la Justice juge toutefois qu'il est nécessaire de faire preuve de compréhension face à ce mouvement. "Il faut essayer de regarder ce qu'il y a derrière cette affaire: un malaise grandissant depuis des années dans la police française. Depuis les attentats, il y a eu régulièrement des mouvements sociaux forts, impactants et difficiles pour les policiers, avec souvent des dizaines voire des centaines de blessés", juge-t-il.
Un gouvernement sur la retenue
Du côté de l'Elysée et d'Emmanuel Macron, le timing de cette contestation n'est pas idéal. En déplacement en Nouvelle-Calédonie, le président français a tenté de jouer la carte de l'équilibre, en disant comprendre l'émotion des policiers tout en rappelant que nul n'est au-dessus des lois de la République.
A gauche, on trouve ce recadrage bien trop timoré et l'exécutif est soupçonné de se montrer craintif face à une révolte des policiers qui viendrait affaiblir le maintien de l'ordre dans un pays où les crises sociales sont de plus en plus violentes.
En 1983, François Mitterrand avait réagi beaucoup plus fermement lorsque des policiers avaient manifesté contre le ministre de la Justice Robert Badinter, n'hésitant pas à limoger le chef de la police.
Une réponse qui semble difficile à imiter aujourd'hui, alors que la très grande majorité de l'opinion publique française soutient sa police de manière générale.
Alexandre Habay/ther