À un an des élections européennes et régionales et en vue des législatives de 2025, quelque 600 délégués de l'AfD étaient attendus à Magdebourg, l'un de leurs fiefs de l'est du pays. Ils ont été accueillis par un collectif d'associations antiracistes et antifascistes qui ont manifesté devant la grande salle d'exposition, lieu du congrès du parti.
Parmi les principales décisions prises vendredi, il a notamment été décidé à une nette majorité d'adhérer au parti "Identité et démocratie" (ID) au Parlement européen, au plus tard le 15 septembre. Il est composé de plusieurs partis d'extrême-droite, dont la Lega italienne, le Rassemblement National français et les Autrichiens du FPÖ.
Avec une telle adhésion, l'AfD recevra des "moyens financiers du budget de l'UE, proportionnels au nombre d'eurodéputés" de cette formation, a indiqué la coprésidente du mouvement Alice Weidel. En outre, ID est une "plateforme parfaitement appropriée pour créer un réseau de partis frères européens", estime-t-elle.
Actuellement, les neuf eurodéputés de l'AfD appartiennent déjà au groupe ID du Parlement européen, la sixième force de l'hémicycle, mais pas encore au parti lui-même.
Ambitions de chancellerie
Juste avant l'ouverture des débats, Alice Weidel a clairement affiché l'ambition du parti de gouverner l'Allemagne en présentant, pour la première fois, un ou une candidate à la chancellerie aux législatives de 2025.
"Je dis très clairement que notre parti, qui est maintenant la deuxième force politique nationale du pays" dans les sondages, "doit avoir l'ambition de diriger", a-t-elle dit vendredi sur la chaîne allemande ZDF. Dix ans après notre création, "nous sommes devenus adultes", a lancé son homologue Tino Chrupall à l'ouverture d'un congrès.
Dans les dernières enquêtes d'opinion, cette formation qui compte actuellement 78 députés et députées sur 736 au Bundestag pointe désormais en deuxième position au niveau national (19 à 22%), devant le Parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz et juste derrière les conservateurs (26-27%).
Les délégués devraient aussi se pencher sur la création d'une chaîne de télévision "favorable à l'AfD" et affiner leur programme pour les élections européennes de juin 2024.
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Succès à l'est
Créé en février 2013, l'AfD était à l'origine un parti anti-européen, avant de devenir une formation anti-islam et anti-immigration. Il surfe actuellement sur la grogne d'une partie de l'opinion contre l'actuelle coalition gouvernementale, composée des sociaux-démocrates, des écologistes et des libéraux, ainsi que du mécontentement face à l'inflation et l'immigration.
Pour Bénédicte Laumond, politologue spécialiste de l'extrême-droite allemande et invitée de l'émission Forum vendredi, ce succès est "avant tout lié au narratif que le parti propose aux citoyennes et aux citoyens allemands, avec un fort nationalisme qui résonne [...] chez des citoyens qui peuvent s'estimer perdants de la mondialisation. C'est d'autant plus frappant en période d'inflation et de conflit aux portes de l'Europe."
Son succès est particulièrement sensible dans l'est du pays, où beaucoup de citoyens s'estiment perdants de la réunification de 1990 (voir encadré). Des études ont également relevé, chez une partie de l'électorat, une nostalgie de l'autoritarisme. Ainsi, en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg, la formation est créditée d'environ 30% des intentions de vote en perspective des scrutins régionaux prévus en septembre 2024.
Tendance européenne globale
Son essor déstabilise notamment les conservateurs sur la question de possibles alliances. Leur président vient d'ouvrir la porte à cette option au plan local, avant de la refermer face au tollé provoqué en interne.
Cette avancée de l'extrême-droite n'est pas spécifique à l'Allemagne, rappelle toutefois Bénédicte Laumond. "On remarque que, partout en Europe, les partis radicaux de droite connaissent une certaine popularité."
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jop avec afp
Un rejet des démocraties libérales
Dans une étude publiée fin juin, l'Université de Leipzig affirmait que deux tiers des habitants de l'est du pays regrettaient les structures autoritaires de l'ex-RDA communiste. "De nombreuses personnes ne sont pas convaincues des avantages de la démocratie", résumait le responsable de l'étude Oliver Decker.
"On parle plutôt de critiques des démocraties libérales", précise toutefois Bénédicte Laumond vendredi dans Forum. Elle souligne que l'AfD porte également un discours en faveur de davantage de démocratie directe, discours qui parle à un électorat spécifique.
"Mais certains principes des démocraties libérales, notamment la séparation des pouvoirs ou l'indépendance de la justice, sont des valeurs souvent fortement dépréciées", précise-t-elle. De tels partis populistes de droite ont accédé au pouvoir en Pologne ou en Hongrie, par exemple, où ils établissent des formes de démocratie illibérales.