Le "dark tourism", aussi appelé tourisme noir ou tourisme obscur, définit l'acte de voyager dans un lieu associé à la mort, la souffrance ou une catastrophe, qui produit une inquiétude par rapport à la modernité. De plus en plus de voyageurs semblent être attirés par cette pratique, qui peut s'apparenter à un tourisme de mémoire ou de fascination pour le macabre.
Selon Nathanaël Wadbled, chercheur associé à l'unité Pratiques et ressources de l'information et des médiations (PRIM) de l'Université de Tours, le tourisme obscur n'est pas nécessairement une forme d'attirance pour les événements morbides. "Il faut le replacer dans l'intérêt général pour l'histoire et la mémoire. Connaître une culture, c'est aussi connaître son histoire. Et une des spécificités de notre modernité est d'avoir produit des massacres à une échelle sans commune mesure dans l'histoire du monde", explique ce guide-conférencier, lundi dans La Matinale de la RTS.
Le tourisme obscur représenterait ainsi un "regard sur nous-mêmes". "Il s'agit aussi d'une pratique touristique et nous avons tort de la dénigrer", juge le chercheur.
Une connotation négative
Se rendre sur les lieux d'un événement traumatique peut par ailleurs représenter une volonté d'attester l'authenticité de ce qu'il s'est passé et de découvrir son identité historique, mais aussi se rendre compte que la modernité n'est pas autant un progrès humain que ce que l'on pourrait croire, souligne Nathanaël Wadbled.
"On a tendance à critiquer [ce type de tourisme] en disant qu'on ne s'intéresse plus à l'histoire mais plutôt à ses propres émotions. Or, c'est considérer que nous ne sommes que des êtres historiques et culturels et que l'expérience de la confrontation à la mort et à la destruction radicale n'est pas une expérience profonde, que les émotions que nous ressentons à ce moment-là ne sont pas dignes d’un être rationnel."
Sentiment d'appartenance à un groupe
D'après Nathanaël Wadbled, le tourisme obscur permet également de faire communauté. "On appartient au groupe de personnes qui trouvent que l'horreur est horrible. On se rassure aussi en appartenant au même groupe social", analyse-t-il.
Un mécanisme qui n'est d'ailleurs pas spécifique à cette pratique touristique: "C'est la même chose pour les visiteurs du Louvre qui veulent uniquement aller voir La Joconde et dont on se moque un peu facilement", compare le chercheur français, qui rappelle que le tourisme obscur s'inscrit dans le développement du tourisme de masse.
Propos recueillis par Alexandra Planinic/iar